Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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lundi 26 mai 2008

Cartes géographiques

Lorsque nous étions enfants, nous dessinions des cartes. Elles n'étaient pas copiées d'après un atlas, au contraire : nous inventions des lieux qui auraient dû exister ou dont nous aimions l'inexistance. Nous composions ces cartes avec le plus grand soin, y plaçant bien sûr un trésor marqué d'une croix rouge, mais surtout, nous répartissions déserts, falaises et jungles, sans oublier les fleuves et rivières sinuant depuis les montagnes jusqu'aux deltas.

Nos crayons de couleurs déployaient leurs teintes parfois imprévues, et nous prenions garde à ce que le turquoise de la mer ne dépasse pas la côte. Ma soeur agrémentait ses cartes avec les animaux fantastiques marquant l'inexploré, parfois des indications dans un langage secret ; mon frère les peuplait de navires pirates et de dragons, sans considération pour le mélange des mythologies. Les miennes étaient plutôt des endroits idylliques avec fleurs et plages de sable fin.

Lorsqu'elles étaient finies, nous allumions une bougie et réclamions la présence d'un parent pour brûler le bord du papier, ce qui donnait un air de carte antique mystérieusement perdue et retrouvée, très à notre goût. Parfois nous ne maîtrisions pas le feu, et c'était une crise de larmes lorsque notre oeuvre disparaissait dans les flammes - mais nous recommencions, en améliorant le modèle bien sûr. Lorsque la bordure était carbonisée à notre gré, nous froissions en boule, plusieurs fois, pour obtenir un effet de parchemin. Nous poussions parfois le perfectionnisme jusqu'à les traîner dans la terre du jardin, afin qu'elles soient tâchées comme tout objet ayant vécu doit l'être. Puis nous les roulions et scellions à la cire, en apposant notre doigt en guise de sceau - l'empreinte digitale unique pour chaque personne nous fascinait.

Étonnament, je ne me rappelle pas d'avoir cherché les trésors cachés dans nos cartes. Je crois que l'aventure était de créer ces mondes, les explorer eût été un sacrilège. Le merveilleux doit rester secret.

dimanche 4 mai 2008

Des abysses aux cieux

Depuis des mois (ou plus ?), je vais mal. Avec des périodes de redoux, des pics cataclysmiques et d'infinies étendues mornes, mais dans l'ensemble, je vais mal.

Pendant des années, je gérais mon mal-être en n'en parlant pas et en faisant "comme si", avec des moments où mes masques de sourire tombaient en morceaux et où j'étais très mal jusqu'à les remettre. Puis j'ai appris à formuler, à assumer un peu mon mal-être. Mais finalement, ça ne m'aide pas beaucoup à le surmonter, ça aurait plutôt tendance à m'y maintenir à force de cacher le reste, le beau et le joyeux.

Durant cette noyade dans la déprime, chaque attention, chaque mot gentil ou positif m'a fait l'effet d'une bouée pour quelques vagues. Souvent, je ne me sentais pas l'énergie de trouver les mots exacts pour dire le bien que ça me faisait, alors souvent je répondais d'un bref "merci" entouré de quelques mots. Parfois, j'ai osé dire "je vais mal, mais ce geste me fait du bien". Sauf qu'en fait, faut pas le dire : parce qu'après, les gestes suivants, je me demande s'ils sont sincères ou motivés par la compassion. Or c'est pas du tout pareil : qu'on me dise "j'aime ça chez toi", ça m'aide à voir ce que j'ai à offrir en partage, ça m'aide à m'accepter. Si j'entends derrière ces mots un "tu me fais pitié", et ils m'alourdissent de ce poids mort. Les interactions du type "aider une amie qui va mal", ben elles sont souvent déprimantes en soi, elles me permettent peut-être d'ouvrir les vannes dans un environnement de confiance où je sais que je vais être dorlotée, mais nulle dynamique ne me remet dans la vie de cette manière. Les enthousiasmes, les joies ne naissent pas dans des environnements tranquilles.

J'ai l'impression d'avoir fait de ma vie un cimetière, où je contiens mes sentiments pour éviter de pleurer, où je renonce à courir, hurler, vivre... et ceux que j'aime / qui m'aiment y sont enterrés avec moi, leurs efforts pour m'aider sont vains puisque je leur suis absente. P't'être j'vais essayer d'aller bien, même s'il faut faire semblant. À jouer un rôle, on finit par l'incarner vraiment, et puis "jouer un rôle", c'est déjà "jouer", c'est un bon début. Pour être de nouveau animée de joie, de rires, d'émerveillement, il faut que je les laisse entrer dans ma vie. Il faut que j'accepte de me faire bousculer, de me mettre en danger, d'accorder ma confiance sans savoir, de tenter sans certitude de réussite. Lâcher le contrôle.

Je ne me sens pas fiable, inconstante - et alors ? Si je me lance dans des projets dont la plupart avorteront, faute de temps ou de suivi, tant pis. Ou plutôt non : ce serait nul, effectivement, si je faisais peser cela sur d'autres, s'ils devaient ramasser mes pots cassés ; mais si je me lance des défis à moi-même, hé bien... seul mon orgueil peut souffrir qu'ils n'aboutissent pas. Et mon orgueil est p't'être la chose la plus grande en moi, ex aequo avec la tristesse, alors j'aurais qu'à lui raboter un peu la gueule, je voyagerai plus légère.

Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.