Complément d'humeur

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vendredi 21 novembre 2003

Ramadan et autres madeleines

Moi j'aime beaucoup le ramadan. Bon, c'est facile, d'abord je le fais pas (n'étant ni musulmane, ni même croyante, ça n'aurait aucun sens). Ce que j'aime dans le ramadan, c'est les gâteaux. Ma nourrice était algérienne, et l'un de mes premiers souvenirs, c'est lorsque je me perchais sur la pointe des pieds pour atteindre la grande boîte toujours remplis de gâteaux faits maison. Comme j'arrivais pas au niveau du bord, je pouvais pas voir lequel je prenais, mais je fouillais jusqu'à ce que mes doigts restent collés et là je sortais le meilleur de tous, celui au miel. J'en donnais un à mon frère encore trop petit pour les atteindre, et je reommençais l'opération pour moi.

Alors forcément... cette fête religieuse, pour moi, c'est toujours l'occasion de redécouvrir cette fête du palais. Et puis ça a un goût d'enfance. Quand j'étais petite, je voulais faire le ramadan. Je voulais être la première chinoise de la famille, aussi, à cause de mes yeux très noirs (juste marrons maintenant) et légèrement bridés (enfin, on aurait cru). Et puis je voulais être la première présidente de la république, après tout j'ai un nom islandais, et c'est le premier pays à avoir élu une femme à ce poste. Après, quand il a été question d'entrer à l'école, j'ai voulu me mettre une grosse pierre sur la tête pour plus grandir et pas être obligée d'y aller. Ma mère a dû négocier longtemps pour me faire accepter cette idée.

Ca fait bizarre, de repenser à ses rêves d'enfant. Le questionnaire proposé dans les "inrocks" de cette semaine par Sophie Calle et Grégoire Bouillier m'a fait y penser... je vous le mets, il pose plein de bonnes questions (pis vous gagnez mes réponses en prime) :

1- Quand êtes-vous déjà mort ?

Avant chaque renaissance. Phénix-power (ou insecte qui mue, comme déjà dit).

2 - Qu'est-ce qui vous fait lever le matin ?

L'envie de continuer. De voir le soleil quand y'en a. Un thé bien tiède. Des mots encourageants de celui/celle qui a partagé ma nuit. Deux réveils à un quart d'heure d'intervalle. Mon chat qui miaule. Et c'est un exploit chaque matin malgré tout.

3 - Que sont devenus vos rêves d'enfant ?

Voir plus haut... j'ai renoncé à la politique, pas prête aux compromissions. Je sais que je ne serai pas chinoise, à défaut je me dis qu'un jour je ferai un bébé doré (oui, en mélangeant des gènes de tous les horizons - il ne me reste plus qu'à rencontrer Abdallah Geronimo Cohen, comme dans la Ballade de Thiéfaine). Savoir que je ne pourrai jamais lire tous les livres écrits, ou même seulement les bons, me désespère toujours autant mais je fais de mon mieux. Faire disparaître le racisme et le machisme (oui je rêvais grand), c'est pas gagné mais là encore je fais de mon mieux. Rendre tous les gens heureux, j'ai réalisé que ce n'est pas souhaitable (voir "Le meilleur de mondes"), pas possible à mon échelle (d'abord y'en a qui veulent pas être heureux, alors faut respecter leurs choix), mais... j'essaie de donner du bonheur quand je peux, et j'essaie de l'être.

4- Qu'est-ce qui vous distingue des autres ?

Mon génotype. Mon vécu. Mes choix.

5- Vous manque-t-il quelque chose ?

Oui, et c'est bien comme ça, ça me pousse à chercher.

6- Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?

Potentiellement, oui. Y'en a qui auront jamais l'occasion, le désir de l'être, hein. Mais... être artiste, pour moi, ce n'est pas forcément peindre, ou écrire, ou faire de la musique / photo / sculpture... ni vouloir l'être. L'art existe dans les petits gestes du quotidien, dans les activités les plus surprenantes. Faire la cuisine, ou fabriquer du papier à lettres, ou faire l'amour sont parfois des démarches artistiques. Tenir un blog auusi, pourquoi pas ?

7- D'où venez-vous ?

De l'espace ? Du futur ?
Plus sérieusement, de tout ce qui m'a faite. Récemment, je reviens de moi-même.

8- Jugez-vous votre sort enviable ?

Je suis heureuse. Mais mon bonheur ne serait pas celui de quelqu'un d'autre.

9- À quoi avez-vous renoncé ?

Dormir.

10- Que faites-vous de votre argent ?

Lorsque j'en ai, j'achète des livres (d'occasion, pour en avoir plus), des fringues, je vais au cinéma, à des concerts, au bar, au resto, je trouve des cadeaux pour ceux que j'aime.

11- Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?

L'aspirateur. Par contre j'aime beaucoup laver le linge, je lui parle pour le faire sécher plus vite, mon frère et ma soeur en rient souvent.

12 - Quels sont vos plaisirs favoris ?

Lire. Aimer. Dormir. Ecouter de la musique. Parler-vrai. Caresser mon chat. Découvrir. Les belles lumières. Etre émerveillée.

13 - Qu'aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?

Heu, j'ai la liste à la maison, parce que quand on me demande comme ça j'y pense jamais... j'aime bien les surprises. J'aime pas qu'on m'offre des livres (sauf exception). A sept ans j'ai demandé de savoir lire l'heure, ensuite je demandais des bisous, longtemps j'ai réclamé une journée rien-que-pour-moi à mes parents. Maintenant je rêve d'un mois à Dierhagen, face à (et dans) la mer, mais de l'ambre ce sera très bien aussi, merci :)

14- Citez trois artistes vivants que vous détestez.

J'en connais pas que je déteste, y'a ceux que j'aime, ceux qui me laissent indifférente parce que nos sensibilités se croisent pas, et ceux qui sont pas des artistes (oui je sais je suis péremptoire).

15- Que défendez-vous ?

Ma liberté. La liberté. Les femmes. La SF. Le droit de rêver. Le bonheur.

16- Qu'êtes-vous capable de refuser ?

Le rose, toujours. Les compromissions (pas les compromis). La sécurité. Les sacrifices.

17- Quelle est la partie de votre corps la plus fragile ?

Mes yeux. Mon cauchemar serait d'être aveugle.

18- Qu'avez-vous été capable de faire par amour ?

Grandir.

19- Que vous reproche-t-on ?

Etre trop impulsive, trop péremptoire, être coeur d'artichaud.

20- À quoi vous sert l'art ?

Découvrir d'autres sensibilités, d'autres expériences.

21- Rédigez votre épitaphe.

Je veux être incinérée et que mes cendres soient éparpillées au vent dans les lieux que j'ai aimés. J'aimerais que les gens pensent à moi en se disant "Elle a aimé".

22- Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?

Un chat. Gris.

(et Merci à lui d'avoir pris la peine de le recopier).

J'emmène au creux de mon ombre des poussières de toi

Le vent nous portera

J'arrive enfin à sortir ces mots... Je savais que je devais le faire. Je ne savais pas comment. J'ai attendu qu'on soit tous les deux, enfin. On s'était posés, comme toujours, devant un thé, et on roulait nos cigarettes. Il se réjouissait que l'on ait un lit double, grâce au départ d'Eve. J'ai répondu que c'était trop tard. Il a compris : nos tentatives des derniers mois ont été vaines. Et nous sommes restés un long moment sans rien dire, je voyais défiler dans ses yeux tout ce que nous avions vécu ensemble, tout ce que j'abandonnais. Les moments magiques, la complicité, la compréhension, les mots réinventés pour nous, ces trois dernières années et tout leur cortège de galères incessantes, de joies spontannées, d'amour. Tout ce que personne que nous ne saura jamais, parce que nous l'avions bâti ensemble. Nous avons fumé nos cigarettes, bu notre thé. Ces gestes que nous avons accompli tant de fois ensemble, nous les faisions, séparés. J'ai posé ma main sur son bras, et l'ai poussée, sachant qu'il ne pouvait la supporter - même si c'est affaibli depuis cette longue séparation, nous sentons encore les sensations et sentiments de l'autre presque comme les nôtres. Comme c'est étrange. Et dans ce silence, je me redécouvrais moi, enfin clairement distincte du "nous". Douloureuse libération. Il s'est levé pour partir dans la chambre. Je le laissai faire lui aussi cette découverte, plus dure parce qu'il ne l'avait pas décidée. Bus mon thé. Et le suivis lorsqu'il vint me chercher, et le pris dans mes bras lorsqu'on s'allongea sur le lit, et le serrai dans mes bras pour lui permettre de pleurer, comme il l'avait fait tant de fois, comme je l'avais fait lorsqu'il en avait eu besoin.

Et je l'ai senti mourir dans mes bras. Je l'ai tué par amour, parce que je ne l'aimais plus. J'ai vu saigner toutes nos merveilles, nos folies, nos longues discussions, notre plaisir, nos chansons, nos rêves, nos blagues, notre complicité... tant de choses que je ne peux même pas raconter, parce qu'elles sont infimes, trop nombreuses, trop belles pour êtres mises par écrit avec mes mots handicapés.

Et la lettre qu'il m'a laissée en partant m'a fait mal. Parce que lui seul pouvait accepter ainsi, par respect de mes choix. Parce qu'il m'offrait une compréhension que nul autre n'a jamais su m'accorder - peu de gens en sont capables, je crois.

Malgré la douleur je suis heureuse d'avoir osé rompre. De garder intact ce que nous avons vécu, ne pas s'enliser dans des reproches, des remords, un "de moins en moins bien". Et il reste celui qui fut mon prince charmant, qui m'a aidée à grandir, qui m'a émerveillée si souvent.

Garde précieusement ton cristal, mon ange. Merci d'en avoir éclairé mon chemin.

Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.