Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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J'ai oublié de nager...

Départ aigre-doux, comme notre relation. Ouvrir les yeux, savoir que cette fois je n'arriverai plus à me rendormir. Poser mes lèvres sur son épaule. Glisser doucement hors de la couette et la reborder autour de lui. Me faufiler dans le salle de bains, fermer la porte avant d'allumer la lumière. Tenter de démêler avec mes doigts la tignasse que forment mes cheveux après deux jours au lit. Faire couler un bain et me laisser couler dans l'eau brûlante, lui abandonnant tristesse et douleur. Seule la résolution compte ce matin. M'en extraire, m'essuyer, préparer un thé. Récupérer, une fois de plus -la dernière- mes vêtements éparpillés, les enfiler dans la lumière grise d'un jour de novembre. Rouler une cigarette, le regarder dormir. Et enfin, décider qu'il est temps : je ne voulais pas partir en courant, mais il ne sert à rien de traîner. Me poser au bord du lit et me pencher pour l'embrasser. Il est somnolent encore, doux comme toujours, et je respire son odeur en espérant qu'elle ne se volatilisera pas tout de suite, que je pourrai en emporter les traces avec moi. Me relever, lui sourire, attraper mon manteau, et mon sac lâché dans l'entrée la veille. Penser que c'est très bien ainsi, en silence. Ouvrir la porte, et entendre, à peine un murmure -je pourrais choisir de l'ignorer- il souffle mon nom. Revenir près de lui, assis maintenant. Recevoir ses baisers tendres, toujours. "Aurevoir, et bon courage pour la suite", dit-il tout bas. Je prends quelques secondes pour l'envisager, la suite, je hoche la tête parce que, oui, ce sera dur. "Merci. Bon courage à toi". S'il essaye comme il l'a dit, et encore plus s'il y arrive, il en aura besoin autant que moi. Un sourire nous effleure, les yeux restent tristes mais pas désespérés, nous savons notre tendresse. Et cette fois je pars sans me retourner, et l'ascenseur est éclairé trop vivement, et la porte de l'immeuble résiste à l'ouverture. Je sors sous la pluie -je n'ai plus de larmes à verser mais le ciel compense. C'est mieux ainsi -plus tendre aussi.

La veille. Commencer à parler, à cause d'un rien. Et dire, sans barrières, "toute vérité est bonne à dire", m'assure-t-il. Même quand elle fait mal à dire, mal à entendre? Pourquoi pas. Et les larmes qui viennent, et ses bras qui me retiennent pour m'obliger à les laisser sortir. Je ne suis plus qu'une loque sanglotante, je suis un doublage de film de guerre, je m'efforce de retenir mes gémissements mais les sanglots me secouent comme le hoquet, mon corps tressaute comme criblé de balles. Il amortit les chocs contre sa poitrine.

Plus tard, lucide comme on ne l'est qu'avec la douleur, vivante de nouveau grâce à elle, je sais ce que je dois faire. Je m'habille, récupère mes affaires. Me hâte d'enfiler mon manteau en sentant les larmes monter. Il me rattrappe à la porte, ne veut pas me laisser partir dans cet état au milieu de la nuit. Abandonnant ma volonté à la sienne, je le suis vers le lit. Résiste, tant que je peux. Tente de partir, de le convaincre de me lâcher la main, en une lutte bien plus morale que physique, et qui me semble durer des heures. Vais jusqu'à lui reprocher de ne pas respecter mon choix -de m'ôter les restes de ma dignité. Et il dit juste ce qu'il faut pour que je reste, puisque lâchement j'en ai envie aussi. Bien sûr, j'aurais pu partir. Mais je ne veux pas être violente ou crier. Ce cauchemar éveillé n'est déjà pas pas un rôle pour moi, je ne suis pas moi dans cette situation au-dela de mon contrôle. Et pourtant, même en ces instants je ne regrette pas d'être vivante. Je n'ai pas peur de souffrir, et si ces moments ne me ressemblent pas, c'est le résultat d'une trop longue période zombie, et c'est vrai, enfin.

Je lui foutrais volontiers des baffes lorsque j'enlève mon manteau et qu'il me demande "pourquoi tu restes, finalement?". Parce que je t'ai laissé me toucher, connard. Parce que je vis. "Parce que je ne veux pas être grande et belle", aussi. Tiens, tu seras content, je le mets, le lien vers [Vaquette->http://www.vaquette.org/reveille_le_punk.php]. Je ne pense pas comme lui, mais je respecte qu'il soit vrai -si tu veux t'inspirer de lui, commence par prendre ça.

Et ensuite, couchés, partageant notre tendresse puisque c'est ce qui nous reste, tu me dis que tu comprends enfin pourquoi {elle} t'a laissé. Je t'aurai apporté quelque chose, même si ce n'est pas ce que je pensais. M'endormir dans tes bras, puisque je fais confiance même lorsque ça fait mal.

En partant finalement, j'étais invulnérable. Vide de larmes, ivre de pluie, en harmonie avec le monde d'une manière sombre que je n'avais jamais connue. Capable de le détruire par ma volonté et ne désirant pas le faire. Il n'y avait nul grand pont sur mon chemin, mais je n'aurais sans doute pas voulu sauter de toutes façons. Ma vie pourrait se finir là, l'impression d'avoir été au bout de trop de choses. Elle recommence. {Avec moi dedans.}

Retrouver le sens de la vie par les petites choses, comme toujours. Des amis, parler doucement, des gens attentionnés qui aussitôt voient l'écorchure, qui ne posent pas trop de questions, juste de quoi me laisser l'occasion de dire si je le veux, et qui, tout naturellement, me ménagent toute la soirée. Des crêpes, plein de confitures dont une verte radioactive, des musiques nouvelles, un concert de Björk qu'ils me laissent jusqu'à la fin même s'ils détestent, "mais si, chante!". Un film qu'on trouve tous nul ({Vanilla Sky}). Et une brosse à cheveux pour démêler mes idées en même temps que mes noeuds. Des sourires.

L'amour c'est aussi ça. Pas toujours grandiose, grandiloquent, impressionnant, transcendant. Juste un don, gratuit, n'espérant ni devenir surhomme, ni avoir cet effet sur l'autre. L'aider à grandir peu à peu, peut-être. Lui apporter ce qu'on aime, et recevoir ses passions. Et non, ce n'est pas mesquin de vouloir être heureux. On peut bouger les gens avec de l'amour, au moins autant qu'avec des coups de pied au cul. C'est juste plus dur de donner de l'amour.

Ajout : ai-je le droit de publier ces mots trop intimes? Tu comprendras j'espère que je ne peux les laisser m'étouffer.

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Commentaires

1. Le lundi 3 novembre 2003 à 20:47, par Corsac

> J'ai oublié de nager...
Sounds like "deja vu"... (mais au moins un minimum de vision positive, ca fait plaisir)

2. Le mardi 4 novembre 2003 à 11:26, par davux

> J'ai oublié de nager...
Bon ben j'ai plus besoin de bloguer mon weekend.

3. Le mardi 4 novembre 2003 à 12:01, par Solveig

> J'ai oublié de nager...
Merci Davux, tu m'as arraché un sourire... bon courage à toi aussi, donc.

4. Le mardi 4 novembre 2003 à 12:03, par Solveig

> J'ai oublié de nager...
Ben j'aurai au moins fait plaisir à quelqu'un :/

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Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.