Affectivogramme plat
Par Solveig, samedi 7 mai 2005 à 09:26 :: General :: permalien #169
Discussion compliquée, ressentis décalés, sentiments désynchronisés. Lunar parle, je réponds de moins en moins, luttant contre la douleur qui m'anesthésie le cerveau, m'étreint la gorge, contre cette nausée qui me retourne le ventre. Puis je renonce, m'allonge près de lui, contre lui, et il m'enlace, désolé de m'avoir fait souffrir, de "ne pas savoir dire les choses autrement qu'en faisant des reproches". Et je pleure, sentant cette libération me soulager bien davantage que toutes ces dernières fois, parce que je suis dans ses bras et qu'il m'a appris à y pleurer - lent apprentissage de cette confiance rare pour moi.
Mes larmes tarrissent, je souffle "je t'aime". Il hésite une seconde - nous n'avons jamais developpé de "moi aussi" automatique, et tant mieux. "Je ne sais plus ce que je ressens pour toi", constate-t-il. Je réponds que je le sais avant que mon cerveau ait analysé ses mots, j'ai mal avec deux secondes de retard de réaliser que des signes imperceptibles m'en ont avertie inconsciemment. Puis je laisse cette douleur me traverser.
Quelques jolis moments le lendemain. Et jeudi soir, fuyant Paris après une semaine émotionnellement destructrice, je passe chez lui pour reprendre mon sac, il me propose de m'accompagner à la gare, nous atterrissons dans un café après une marche silencieuse (mais pas de ce silence complice, non). Il me confirme qu'il a enterré une bonne partie de ce qu'il ressentait pour moi. Ne me dit pas que c'est fini - si j'avais la moindre énergie, un minimum d'enthousiasme à lui communiquer, "nous" pourrait exister encore, mais je suis vide et je comprends que notre relation ne lui apporte plus rien, que lui ne peut m'aider dans ces circonstances. Pour la première fois, c'est lui qui pose des questions sur notre relation, qui ouvre un dialogue - mais il le fait à un moment où je suis incapable d'articuler une phrase entière. Je lui demande de partir parce que je hais ce contexte, les gens me regardant pleurer dans le bar, parce que que j'ai atteint ce point de désespoir où je préfère couler seule. Résolution, lucidité de ce stade où plus rien n'a de sens. Je cache mes larmes derrière mes mains le temps qu'il parte, puis j'harnache mon sac et vais à la gare.
Il y a un train, presque trois heures plus tard. Je m'affale sur un banc et pleure encore, incapable de trouver une raison de ne pas me jeter sous une voie. Je pleure, pleure, dans cette foule anonyme comme si j'étais seule, et soudain un vieux kabyle s'assoit près de moi, me dit que ça le touche, me prie d'arrêter de pleurer. Il propose d'aller me chercher un café, je sèche mes larmes mais la boulangerie n'en sert plus alors nous finissons par aller dans un bar où il me raconte son arrivée en France, ses amours et quelques énigmes jusqu'à me rendre un sourire pâle mais sincère. Cet homme adorable me parle de la vie, d'amour, sans clichés, sincèrement. Puis il m'accompagne jusqu'au train, me fait la bise et me souhaite bon courage. Je vais en avoir besoin, mais il m'a déjà rendu l'essentiel : cette certitude nécessaire que les interractions humaines, malgré la douleur, sont merveilleuses.
Alors je suis morte, mais je vais revivre un jour. En attendant je fais semblant.
Commentaires
1. Le dimanche 8 mai 2005 à 13:31, par Lunar
2. Le lundi 9 mai 2005 à 01:34, par Thomas
3. Le lundi 9 mai 2005 à 09:47, par Melie
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