Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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jeudi 16 mars 2006

Cas de conscience

Construction de ma sexualité - épisode 4

Au bout de deux mois, j'ai senti qu'il y avait un problème avec E. J'étais mal à l'aise. Je n'ai rien dit, espérant régler ça toute seule. Mais "ça", c'étaient nos interractions : il était amoureux, et construisait déjà en projets notre avenir commun avec mariage, enfants, maison. J'aurais pu en rire, mais il était sérieux - or moi j'avais seize ans et pas envie de planifier pour les cinquantes années suivantes. Pendant un mois, j'ai combattu mon malaise croissant... j'avais su tomber amoureuse, mais je ne l'étais plus et ça, je ne savais pas le gérer.

J'ai pris ma décision un matin. Nous avions passé le week-end ensemble, et le dernier jour il m'a réveillée en s'emboîtant contre moi - je dors tournée sur le côté, j'étais dos à lui, et il a commencé à me "faire l'amour".

Une fois, déjà, il m'avait réveillée par un cunnilingus si doux qu'il s'était mêlé à mes songes (il faut dire que j'étais exténuée parce que nous avions fait du sexe toute la nuit), puis il était venu en moi et ses mouvements progressivement plus énergiques m'avaient tirée du sommeil par étapes, jusquà ce que je sois tout à fait réveillée au milieu de la séance de sexe. Cela reste pour moi un très joli souvenir semi-onirique.

Par contre cette dernière fois, j'étais pleinement réveillée mais je n'ai pas réagi : il a sans doute cru que je dormais, en fait je n'étais pas présente. Je ne savais pas quoi faire, j'avais toujours eu envie et là non. Alors je l'ai laissé utiliser mon corps en me demandant comment lui dire, et je n'ai pas trouvé.

mercredi 15 mars 2006

Une élève douée

Construction de ma sexualité - épisode 3

Le sexe est un nouveau champ d'expériences, dont je suis inlassablement curieuse pendant tous les jours qui suivent. Je me rappelle faire du sexe sous la douche, debout, allongée sur son bureau, le chevauchant, de côté, dans toutes les positions que nous pouvons imaginer - et nous avons de l'imagination ! Il rit en disant que j'apprends vite, moi je ris de le surprendre : lorsque je lui dis après trois jours que je veux essayer la sodomie, son expression de stupéfaction me fait encore rire aujourd'hui. Il avait déjà essayé, mais me dit que ce n'avait pas été très bien. Nous tentons malgré tout (avec beaucoup de salive, nous n'avons pas de gel lubrifiant et je n'en avais même jamais entendu parler - j'ai découvert ça bien plus tard, et avec un autre). Nous apprécions tous les deux, et nous expérimentons ensuite le sexe avec une variable de plus.

Je prends vraiment beaucoup de plaisir avec lui, nous faisons beaucoup de sexe lorsque nous nous voyons (je pars un mois en Allemagne, pendant lequel il m'envoie une lettre tous les jours, avec chaque jour un bâtonnet de bois taillé et un plan dessiné, et ces morceaux s'emboîtent pour former un adorable petit casse-tête lorsque j'ai toutes les pièces ; et ensuite l'été est fini, je retourne au lycée et mes parents payent le train pour que j'aille le voir un week-end toutes les deux ou trois semaines).

Je prends vraiment beaucoup de plaisir avec lui, mais je n'ai jamais d'orgasme. Et je n'ai jamais osé lui dire, parce que je sentais qu'il le vivrait mal alors que c'est sans importance pour moi à cette période-là de ma vie : ça ne m'inquiète pas, je sais que ça viendra un jour ; en attendant j'ai des orgasmes seule et des sensations fabuleuses avec lui, et je suis bien. Je fais semblant pour lui faire plaisir, puisque visiblement il trouve normal, indispensable que j'en aie - impensable que ce ne soit pas le cas. Il faudrait se pencher là-dessus ensemble, qu'il soit patient pendant que j'apprends à partager cet instant intime, mais suite à sa question je n'ose pas lui dire, lui demander, alors je perfectionne ma simulation.

Alors petite précision : ça semble tellement "normal" de nos jours que les femmes doivent avoir des orgasmes, comme si c'était automatique. Comme si la sexualité n'était pas "complète" sans. Comme si on était malade lorsque ça n'arrive pas à chaque fois. Alors que ça s'apprend, ça se construit, ça dépend de l'humeur et du degré de fatigue et du niveau de confiance que l'on a en soi et en l'autre ; ça peut se rater à cause d'une mouche qui vole, d'un rythme qui change au mauvais moment, d'une idée qui revient à l'esprit et déconcentre. Et c'est pas forcément grave. L'orgasme, ça s'obtient bien plus facilement en se masturbant seule ; on est pas dépendantes de nos partenaires pour en avoir ; faire du sexe avec quelqu'un, c'est plutôt pour partager des sensibilités. Messieurs hétérosexuels, si votre copine / amoureuse / amante / femme a un orgasme à chaque fois, c'est qu'elle simule (parfois). Et ça ne veut pas (forcément) dire qu'elle "s'emmerde en baisant"[1] hein, on peut jouir sans jouir, par contre ça révèle sans doute que votre communication au sujet du sexe laisse à désirer (hum).

Je n'ai jamais osé lui dire, mais cela fait longtemps maintenant et j'espère que s'il lit cela il s'en fiche un peu. Je n'ai pas honte d'avoir simulé. Ce n'est pas "mal". Ce n'est pas "bien" non plus hein, mais... pendant un bon moment, je me suis sentie coupable de simuler. Alors que bon, je ne maîtrise pas d'avoir un (des) orgasme(s) ou pas. Et je n'étais pas à l'aise dans ces situations où, visiblement, mon partenaire[2] attendait cela de moi. Je ne l'ai pas fait dans le but machiavélique d'induire mon partenaire en erreur, je l'ai fait parce que je ne savais pas / n'avais pas la possibilité d'expliquer mon plaisir. Nous étions deux, dans ces situations, et je ne suis pas seule responsable des lacunes de notre communication.

Je ne dis pas que c'est "leur" faute, mais je refuse aussi de me culpabiliser. Je n'ai pas simulé contre quelqu'un, j'ai fait comme je pouvais. Maintenant je sais en général en parler avant, je suis moins gênée de dire que je n'ai pas eu d'orgasme (et que je suis quand même satisfaite, ou demander une participation pour l'être, ou me la donner moi-même en présence de quelqu'un). Mais aussi, j'ai eu des partenaires qui osaient dire « Je ne sais pas si tu as eu un orgasme ou non », et qui acceptaient l'idée que je sois satisfaite sans en avoir, parfois.

C'est dur, de parler de simulation. Certains vont juste conclure que je suis une sale menteuse, ce qui serait réducteur : toutes les fois où j'ai dit « j'ai eu un orgasme », c'était vrai. Et euh oui, il y a aussi plein de fois où je ne l'ai pas dit mais où c'était vrai. Et plein d'autres où ce n'était pas le plus important, vraiment.

Notes

[1] Brassens, pour celleux qui n'auraient pas reconnu.

[2] Avec les filles c'est différent.

Première déconvenue

Construction de ma sexualité - épisode 2

J'avais partagé l'intimité sexuelle avec E., mais une autre intimité me restait à découvrir, qui représentait "être en couple" pour la jeune fille de seize ans que j'étais : passer toute une nuit ensemble, faire du sexe dans un lit (!) et dormir l'un près de l'autre.

J'ai donc demandé à ma soeur si je pouvais dormir chez lui. Elle n'était pas prête à prendre cette responsabilité, alors j'ai respiré un grand coup et appellé les parents : ils nous laissaient libres de faire ce que nous voulions, mais le contrat était qu'ils sachent où nous étions au cas où quelque chose arriverait. En l'occurence, ça m'ennuyait de les informer de ma vie sexuelle (non pas que ce soit un "problème" ou qu'ils m'aient interdit quoi que ce soit, mais j'ai une conception assez forte de mon intimité envers eux). Cette formalité accomplie, j'ai passé une bonne partie des jours suivants chez E., à faire du sexe intensivement.

La seconde fois, donc. Dans son lit, nous faisons l'amour de nouveau, et je n'ai plus peur et j'apprends et j'expérimente et je tente de comprendre comment ces trucs me provoquent tout ce plaisir. Après plusieurs heures (E. est le mec le plus "endurant" que j'aie connu), il éjacule en moi (plus tard, j'apprendrai à sentir les jets traversant le pénis, en contractant les muscles de l'entrée de mon vagin ; mais là je le sais parce qu'il retombe sur le lit près de moi, vidé de ses forces). C'était bien, amusant, interessant, agréable, je m'interroge pour savoir combien de temps il lui faudra avant qu'on puisse recommencer. Et là, il me demande :
« - Tu as eu ton orgasme avant ou après moi ? »

En une seconde, mon univers s'écroule. L'orgasme, je sais ce que c'est, je me masturbe depuis des années... et je sais que je n'en ai pas eu. Je n'en ai pas cherché, à vrai dire : absorbée dans la découverte de nouvelles sensation vaginales, je ne me suis pas encore demandé comment concilier cela avec l'orgasme, que j'obtiens en me concentrant et en stimulant mon clitoris.

Je me sens désemparée, parce que le plaisir que nous avons partagé est encore au-delà de ma compréhension, je ne le maîtrise pas et je croyais que lui savait ; et sa question ne me laisse pas latitude d'exprimer ça, elle exige que j'en aie eu un alors que je n'y avais pas encore pensé.
« - Heu, à peu près en même temps je crois. »

C'est ce qui me semble le plus sûr : c'est le moment où, sans doute, il était le moins attentif à ce qui se passait en-dehors de lui. Et moi je n'ai aucune idée de ce qui lui fait croire que j'ai eu un orgasme.
« - Mmm, c'est ce que je préfère », dit-il en blotissant son visage dans mon cou et en me serrant contre lui.

Mais la bulle de complicité que nous partagions quelques secondes auparavant a explosé. Je sens son corps nu contre le mien, pourtant je regarde le plafond en me sentant terriblement seule.

mardi 14 mars 2006

La première fois : j'avais seize ans

Construction de ma sexualité - épisode 1

Je le trouvais charmant, gentil, attentionné. Il avait quelques années de plus que moi, de l'expérience et je découvrais que je pouvais séduire, alors j'en avais joué sans retenue. Il était amoureux, et je l'étais aussi. Ou alors j'étais amoureuse de l'idée de l'amour, ou alors j'aimais être aimée, ou alors ces interractions nouvelles m'excitaient. Sans doute un peu de tout cela.

Il savait que j'étais vierge, et il était prêt à attendre que je sois "prête". Mais j'étais prête aux caresses. Il m'a donné mon premier cunnilingus : j'étais debout dans le vestiaire de la piscine où nous nous changions, il s'est agenouillé devant moi, a écarté mon maillot de bain, a exploré mon sexe avec sa langue ; j'étais bouleversée de ces sensations si similaires et différentes de celles que je me donnais. Première réalisation d'un de mes fantasmes...

Il était prêt à attendre, moi j'ai épuisé ma patience en trois jours. Il était étudiant en informatique ; je l'avais rejoint à l'E...A[1], et je lui ai dit que je me sentais prête. J'imaginais qu'il m'inviterait chez lui le soir, ou le lendemain, ou... je ne sais pas. Il a compris "là tout de suite maintenant". Et puis le côté saugrenu de la situation me plaisait, alors je ne l'ai pas détrompé.

Nous avons donc arpenté les salles de cours en nous tenant par la main, avec des arrêts dans les endroits tranquilles pour s'embrasser et se toucher. C'était l'été, la plupart des étudiants étaient en vacances mais il y avait partout quelques personnes incompatibles avec notre projet.

Puis nous avons trouvé un couloir que personne n'empruntait. Nous nous sommes déshabilléEs, et puis je me suis laissée mener parce que je n'avais aucune idée de quoi faire.

Je me suis allongée sur le dos, sur la moquette. Il m'a caressée et a longtemps parcouru mon sexe avec ses lèvres, sa langue. Il m'a demandé si je voulais bien le sucer aussi[2]. "Heu d'accord, mais je sais pas faire alors faut que tu me dises". C'était amusant, je pouvais provoquer toutes sortes de réactions. Je crois que je suis restée un bon moment assise à côté de lui allongé, à essayer les stimulis qui me traversaient l'esprit.

Puis il m'a léchée de nouveau, j'étais tendue de désir et d'une pointe d'appréhension. Je ne sais plus si c'est lui ou moi qui ai enfilé la capote cette fois-là, en tous cas c'est une caresse que j'ai appris à apprécier avec lui, et encore aujourd'hui j'aime dérouler le latex sur une bite ou un gode.

Il s'est allongé au-dessus de moi, a placé son sexe à l'entrée de mon vagin et je lui ai donné confirmation du regard. Il a commencé à insérer son sexe en moi, très lentement et délicatement. J'ai eu mal, une douleur au centre de mon corps qui rayonnait partout, j'ai eu envie de lui demander d'arrêter, mais je me suis forcée à me détendre - comme chez le dentiste, mon esprit part loin de la douleur. Si j'arrêtais maintenant, la peur de cette douleur me bloquerait pour longtemps, alors je préfèrais que ce soit fini. J'aurais voulu qu'il aille plus vite, j'avais l'impression que cette première pénétration durait des siècles ; mais il le faisait doucement pour que je n'aie pas mal, et je lui en étais reconnaissante.

Et puis soudain, quelques éternités-secondes plus tard, la souffrance était passée et ses mouvements continuaient, et j'ai reconnecté mes sensations, surprise de découvrir que c'était bon.

Pendant cinq heures, personne n'est passé par ce couloir. Nous avons expérimenté toutes sortes de rythmes, de profondeurs, d'amplitudes, et un bon nombre de positions. J'ai pris beaucoup de plaisir, beaucoup, c'était vraiment amusant tous ces trucs à faire pour la première fois.

Alors que nous finissions de nous rhabiller, un prof a ouvert la porte ; je ne sais pas ce qu'il a capté, mais il a fait "hum" et il est ressorti. Nous sommes sortiEs quelques minutes plus tard, gloussant encore à l'idée qu'il aurait pu entrer à un moment vraiment gênant. Puis nous avons vu l'heure - quoi, cinq heures se sont écoulées ?! - et j'ai couru prendre le bus : j'étais en vacances chez ma soeur, elle devait s'inquiéter de ne pas me voir rentrer.

Parfois, je me demande si j'ai saigné ou pas, si une petite tache de mon sang a marqué la moquette du couloir de cette école d'informatique.

Voilà comment je suis devenue geek.

Notes

[1] Une école parisienne ; si vous ne trouvez pas, vous n'êtes pas geek. Ça se soigne.

[2] Nous avions un langage sexuel très cru, parfois vulgaire, qui me bloquerait je crois aujourd'hui.

dimanche 5 mars 2006

Journée en famille

Mercredi soir, nous sommes allées à un concert dans un pub avec Fin. Elle était contente, c'était la première fois qu'elle pouvait sortir le soir en laissant Ash seul : il a dix ans, elle avait son portable sur lequel il pouvait appeller en cas de problème. Il commence à être autonome...

La musique était dynamique, le bar était bondé (j'étais surprise, je ne l'avais vu qu'en allant consulter mes mails pendant la journée, les pubs se remplissent le soir....). Un mec bavait en regardant les filles danser mais nous avons formé un groupe de filles dansant ensemble et c'était bien. En rentrant, j'ai pris un bain chaud, avec un thé et un bouquin de SF (en anglais, ça y est je m'y mets), jusqu'à ce que l'eau soit froide.

Le jeudi matin, c'était très dur de me réveiller, mais Ash est venu à 9h30 avec un petit-déjeuner au lit (thé, jus d'orange, fruits en morceaux comme j'aime, pancakes chaudes avec sucre et citron)... C'était en semaine mais il avait demandé à l'avance pour ne pas aller à l'école ce jour-là, donc Fin avait appellé pour dire qu'il était malade. Nous sommes alléEs chez le grand-père d'Ash (le père de son père). C'est un homme absolument charmant. Il a été traveller pendant des années, a fait des dizaines de boulots, il est très cultivé (en autodidacte). Il est homo, vit dans une maison pleine de petites choses adorables... et c'est la seule personne avec Fin à avoir assumé Ash sur la durée. Je l'ai adopté tout de suite.

Nous avons bu du thé (avec du lait, on s'habitue hein). Puis sommes alléEs nous promener dans les champs proches. Au bas de la colline sinuait une rivière que nous avons suivie jusqu'au tronc d'un arbre tombé en travers. Nous avons traversé sur l'arbre, et sommes entréEs au pays des fées. Ash a escaladé un noisettier géant, nous avons grimpé le flanc d'une côte en nous tenant aux herbes drues ; nous avons longé la crête du monde sur quelques dizaines de mètres et sommes redescenduEs à travers une forêt de buissons épineux et sombres, sur des sentiers où nous avancions pliéEs en deux. Puis nous sommes retournéEs à l'arbre couché, Ash a jeté des brindilles dans l'eau pour les observer suivre le courant pendant que je prenais un bain de soleil, calée entre les branches au-dessus de la rivière. Il faisait froid mais beau, et nous étions bien couvertEs. Je me sentais comme Huckleberry Finn un jour d'école buissonière.

Sur le chemin du retour, Fin conduisait le van et je regardais le coucher de soleil sur la campagne, avec sur mon épaule le poids de la tête d'Ash qui somnolait. C'est bon d'être en famille.

Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.