Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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vendredi 30 juillet 2004

Solveig Patricksdóttir

C'est mon nom islandais : Solveig, fille de Patrick. Là-bas, tout le monde sait prononcer mon nom. Ils sont même très touchés qu'une étrangère porte un prénom islandais. Eux, ils s'appellent Bjórgun, Sigurdur, Jónthor, Logi ou Kaóre. Eux, ils sont blonds aux yeux bleus pour la plupart, réservés sauf le vendredi et samedi soir après avoir bu de la bière ("Skál!", c'est le mot à connaître pour aller à Reykjavik). Ils parlent une langue pour laquelle il me manque plein de sons, ils vivent dans des décors improbables et trouvent l'idée de forêt étrange (Sven a vécu toute sa vie au pied de Skoðáfoss et il lui a fallu beaucoup de temps pour se rendre compte que cette chute d'eau de 70 mètres est sublime). Moi, j'y suis restée trois semaines, accompagnant les parents dans leur reportage. Nous sommes restés quelques jours à Reykjavik, la capitale, puis avons fait le tour de l'île en une semaine, encore une semaine à Reykjavik et trois jours en 4X4 dans le désert de l'intérieur. J'ai rencontré des gens, et même un amoureux. J'ai vu des cascades par centaines, des maisons de hobbits couvertes d'herbe, le chantier de ce qui sera le plus grand barrage d'Europe, interviewé le président et dîné avec l'ex-présidente (Vigdis, première femme présidente au monde), traversé des champs de lave dans lesquels je me suis crue sur la lune, j'ai fait la tournée des bars en clignant des yeux parce qu'il faisait jour toute la nuit, j'ai déjeuné dans le chalet des fées, vu un phoque dans un lac rempli d'icebergs, me suis faite attaquer par des sternes arctiques défendant leurs nids, ai contourné d'interminables fjörds, admiré des fumerolles et autres solfatars, me suis baignée dans une piscine d'eau chaude naturelle à l'odeur de souffre et dans la mer (elle était bonne : ils chauffent la mer à cet endroit), assisté à un concert de rock pêchu dans un village de 160 habitants et ai ramassé des roches volcaniques de toutes les couleurs sur toutes les routes de l'île, j'ai poursuivi des canards dans Reykjavik et touché la neige d'un glacier, traversé une tempête de sable noir et collecté du bois flotté dans un parc naturel, j'ai écarquillé les yeux face aux mousses fluorescentes, vu exploser un geyser et admiré le courage d'une fleur poussant au milieu de nulle part, goûté le Brennivín, alcool traditionnel de pommes de terres, fait manger des pétales de rose à deux charmants jeunes hommes et récolté un poème spontané, parlé linguistique et politique, me suis fait offrir thé et café par chaque personne chez qui on s'arrêtait, sinué sur des routes de montagne sans rambarde dans un brouillard opaque et entendu des légendes charmantes, et croisé des moutons en liberté partout, même lorsque je ne voyais nulle nourriture pour eux, appris à dire "je t'aime" en islandais ("Eg elska thig", prononcer Yé elska thiy), savouré une compote de rhubarbe tiède dans un chalet de montagne, écouté de la poésie en islandais et vu des bateaux sortir de l'eau sur leurs roues, rigolé en voyant des chevaux aux crinières blondes comme celles des habitants et qui font la taille de nos poneys, halluciné sur la mode islandaise et leurs tenues légères lorsque la température me semblait hivernale et joué aux échecs avec un enfant, seule langue que nous comprenions tous les deux un peu, visité la maison improbable d'un réalisateur déjanté et suivi la crête des montagnes, traversé des gués et même un lac.
J'y retournerai. Je suis en France depuis seulement quelques heures, et l'Islande me manque déjà. Cette impression d'avoir oublié un bout de moi là-bas...

Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.