Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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mardi 30 janvier 2007

Boîtes à murmures

Nous avons fait un aller-retour en Normandie pour rapporter des affaires de chez mes parents. J'ai trié ces trucs que j'avais laissés en partant, lorsque j'avais dix-sept ans - car depuis ce premier chez-moi (une chambre de cité universitaire), je suis passée chez eux jamais plus de deux jours, moins d'une fois par an. Et j'ai retrouvé mon enfance. Mes premiers carnets. Mes photos d'Allemagne. Mes bâtons sculptés. Ma dodo. Mes tout premiers poèmes. Mes dessins. Mes collections de petits riens. Ma poupée avec ses vêtements (ceux qui n'avaient pas été mangés par les souris). Mon papier à lettres. Les boîtes avec tout le courrier reçu depuis mon enfance, celles avec les petits mots de l'époque du lycée. Toutes les lettres de mon premier amoureux, entourées de leur ruban.

J'ai récupéré les affaires que je stockais là-bas après chaque déménagement, en cartons, sacs et vrac, des strates de différentes ères de ma vie : la première année seule à la fac, les deux années à Angers avec Jonathan, les deux années à Paris avec Eve et Romain, les presque deux années aux Tanneries. J'ai rappatrié tout ce qui m'était précieux, un étrange bric-à-brac !

Et depuis, j'ai réussi à m'installer enfin. Cet appartement est maintenant l'endoit où je renoue avec tout ce qui m'a faite, et oui, ma chambre est bien entendu un endroit à la décoration surchargée, comme toujours. Les murs se sont vêtus de posters, dessins, cartes postales et babioles, la cheminée désaffectée s'est parée de mes attrappe-poussière favoris, les bougies et l'encens diffusent une odeur familière, les tissus étalent leurs couleurs vives et chaleureuses.

Je me suis lancée dans la fabrication d'une étagère très grande (et argentée) pour ranger mon bazar, mais c'est une opération compliquée alors en attendant je déplace encore régulièrement mes tas de cartons. J'y retrouve constamment les surprises les plus imprévues, j'oscille entre les larmes et les sourires ; c'est déstabilisant de retrouver tout cela, c'est fabuleux, c'est éprouvant, c'est émouvant surtout. J'attrappe souvent l'un ou l'autre de mes cohabitants pour leur montrer mes merveilles, mes trésors, mes secrets. Je suis surprise moi-même de tout ce que j'ai pu amasser au cours des années.

Mes souvenirs sont de nouveau vivants en moi, et moi je peux être de nouveau au monde. Rebonjour !

mercredi 10 janvier 2007

Auto-thérapie

En ce moment, je déprime. Et, ouais, ça prend tout mon temps. Ou plutôt toute mon énergie, alors ce que je fais peut se résumer en quelques mots.

La déprime, c'est cyclique chez moi. Parfois je suis d'humeur radieuse, ma route est semée de pétales de rose et de lys et la vie m'est une caresse. Et parfois c'est juste l'inverse, et je vous assure que ce yo-yo est épuisant. Donc en ce moment, tout est lourd, douloureux, exténuant, j'ai des épines sous les pieds et des lames de rasoir déchiquetent ma peau, je me débats dans un air opaque et j'aimerais oublier que j'existe, bref je suis satisfaite lorsque j'arrive à ne pas pleurer pendant une journée complète - c'est pas souvent. Sans compter que puisque je déprime, je n'ai pas faim, et après quelques jours sans manger, j'ai encore moins d'énergie.

Alors là forcément vous me demandez quels traumatismes affreux me bouleversent (je fais les questions et les réponses, on gagne du temps et donc de l'énergie). Hé bien le pire, c'est que tout va bien dans ma vie. Sauf que j'ai envie de mourir, par vagues, et parfois je suis submergée, et ensuite ça reflue et je me retrouve suffocante, tentant de reprendre mon souffle, de reprendre les choses où je les ai laissées - avec l'angoissante certitude qu'une autre vague surgira ; je tente désespérement d'anticiper les courants pour m'accrocher mieux mais toutes mes prévisions ne servent à rien lorsque la bourrasque arrive.

C'est le blues de l'hiver, c'est la retombée de mon énergie, c'est le dépaysement de cette nouvelle vie qui commence, c'est la difficulté de toutes les démarches, c'est la spirale avec les amis qui dépriment aussi, c'est ma cyclothymie habituelle - un peu tout ça, oui. Le savoir ne m'aide pas beaucoup...

Mais heureusement on prend soin les unEs des autres. Ils me font à manger, on partage de la tendresse, on se motive de temps en temps pour faire des choses, on trouve des films et des animes qu'on regarde sur l'ordi, blottiEs sous la couette. Il m'apportent des tartes au citron et je leur donne ma part de galette quand j'ai trouvé la fève, je leur raconte les épisodes drôles des discussions irc (je passe beaucoup de temps à ne rien faire derrière un ordi, oui) et ils me serrent dans leurs bras lorsqu'une crise de larmes survient devant eux. Vraiment, je les aime et je suis heureuse d'habiter avec eux.

Il y a quelques soirs, je suis rentrée à l'appart, seule, pour tenter de voir un peu plus clair en moi, de reprendre prise sur ce mal-être. J'ai pris du papier et un stylo doré, et j'ai noté les choses qui pouvaient m'aider. Voilà le début de cette auto-thérapie :

  • Lorsque je donne, je ne me sens pas vide. [Auto-thérapie #1]
  • Je ne veux pas vivre en traînant une perfusion, même d'amour. [Auto-thérapie #2]
  • Que vais-je laisser la Mort emporter pour lui échapper ? [Auto-thérapie #3]
  • Mon orgueil est si grand que je me dissous en lui. Être petite et vivante. [Auto-thérapie #4]
  • Les gens sont là. Ouvre la porte. [Auto-thérapie #5]
  • Tu es fatiguée - dors. Tu as faim - mange. Tu es triste - pleure. Tu es seule - aime. VIS. [Auto-thérapie #6]
  • Au réveil t'as envie de pleurer. Hier déjà, demain encore - Et alors ? Des jours, il en reste plein. [Auto-thérapie #7]
  • Les images dans ma tête ne peuvent pas me blesser. Elles nourissent le rêve et l'imagination. Rôdez ! [Auto-thérapie #8]

J'ai posé ma valise...

J'ai été nomade pendant plus d'un an, ça m'a beaucoup apporté mais ça a été épuisant aussi. Alors depuis la fin de l'été on réfléchit avec des amiEs à un projet commun d'habitation, ça pose forcément plein de problèmes et de questions...

On voulait habiter à la campagne, mais d'abord y'a pas de maison rurale avec six chambres, et puis on est plusieurs à ne pas avoir le permis de conduire, et à ne pas connaître la région ; donc faut qu'on trouve une maison où on pourra faire les travaux nécessaires pour habiter à plein, et donc faut qu'on soit sûrEs de vouloir y rester longtemps : bref, c'est pour plus tard.

On avait envie (surtout moi) d'être autant de filles que de garçons, mais les filles avec qui j'aimerais bien vivre sont impliquées dans d'autres projets pour l'instant - p't'être dans quelques mois. Du coup on est deux filles et trois garçons. Et dans ces trois, y'en a un avec qui j'ai une relation "amoureuse", et les autres ont peur de devoir gérer nos brouilles régulières, entre autres difficultés relationnelles. Bref on a trouvé une solution temporaire afin de préparer la grande migration à la campagne : on a deux appartements à Nantes, deux personnes dans l'un et trois dans l'autre.

Le jeu compliqué du "qui habite où ?" s'est fini par un tirage à pile ou face ; me voilà donc posée avec mes cartons et un colloc, pas loin de la gare et du jardin des plantes, avec les tours d'une église comme paysage et fond sonore (ça sonne souvent, les cloches, en fait). L'appartement est très humide, mais avec les radiateurs électriques à fond, ça chauffe et ça assèche - ouais c'est pas écologique, mais j'ai résisté une semaine, choppé des engelures aux orteils comme durant mes deux derniers hivers en squat et en fait je veux plus.

On a signé il y a deux semaines, et apporté les affaires le soir même. C'est étrange de retrouver tous ces cartons, sacs, valises que j'avais stockés chez Marc depuis le printemps - je les reconnais et pourtant ces affaires qui m'ont manqué parfois, je n'ai plus avec elles la familiarité du quotidien. Je n'arrive pas à me les réapproprier, de même que je n'arrive pas à réaliser que non, je ne repars pas bientôt avec mon sac sur le dos. Du coup je squatte ce nouvel appart ; colloc est parti depuis dix jours, et depuis tout ce temps, on se regarde en chiens de faïence, les cartons et moi. Enfin moi je les examine avec défiance et eux ils me font peser leur présence même quand je ignore, et ils bougent pas ! J'ai bien pensé à leur apporter de l'aide mais je ne suis pas sûre qu'on ait l'intimité requise, eux et moi, pour que j'y introduise les mains sans plus de formalités. Moi qui ne suis d'habitude pas très patiente, j'attends qu'ils fassent le premier pas - mais ils doivent être timides. J'essaie d'en rire, mais je vous assure que c'est déprimant.

Alors à défaut de me sentir habiter dans cet appart, je commence à découvrir la ville : premier constat, les chansons ne mentent pas, il pleut sur Nantes. Je sors malgré tout au moins une fois par semaine : en période de fêtes, les récups de marché sont assez fabuleuses - une cagette de clémentines, un carton de patates, des avocats en quantité et une mangue à chaque fois, je vais tomber amoureuse du marché de Talensac. Je connais aussi le trajet pour aller sur le cours des cinquante otages, et hier on a retrouvé le chemin de la librairie l'Atalante en demandant une seule fois - celui-là va falloir que je le retienne : une librairie de science-fiction, LA librairie de science-fiction la mieux fournie que j'aie vue de ma vie, du bonheur soigneusement disposé sur des étagères.

Je ne suis pas installée et ça va encore demander du travail, j'avais envie d'organiser une fête pour mes 25 ans en février et je ne crois pas que j'aurai un endroit où accueillir des gens d'ici-là, mais me voilà de nouveau sédentaire. C'est étrange, comme de marcher sur la terre ferme après un long trajet en mer, la sensation qu'il manque le roulis...

Allez y'a colloc qui rentre ce soir, faut que je fasse de la place au milieu des cartons !

Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.