Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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mardi 28 février 2006

Quelques tresses

Fin m'a natté les cheveux comme je lui avais demandé. Puis j'ai pris ses ciseaux, suis allée devant le miroir de la cuisine et j'ai coupé tout ce qui dépassait des tresses. Elle m'a proposé de raser assez long, mais je n'avais pas envie que ça fasse propre. Elle a préparé un mélange, l'a appliqué sur mes cheveux... je lui ai fait une décoloration + teinture rouge. Plus tard, lorsqu'elle est partie se coucher, je suis restée longtemps devant le miroir à observer cette jeune femme aux cheveux courts et blonds.

Amusant comme les changements de vie s'accompagnent souvent d'un changement de coiffure chez moi.

Je me sens forte. Je me sens belle. Je me sens capable de dévorer la lune.

jeudi 23 février 2006

Transit

La petite lumière rouge indique 22:22. Björk chante "I'm strong in his hands" dans mes oreilles, et sa voix résonne et les harpes aussi. Le paysage défile, mais il fait noir et je ne vois que les phares. Je sens encore la peau douce de sa peau sur mes lèvres, j'entends déjà les rires de Ash lorsque nous nous retrouverons. Je songe à la beauté de ma vie nomade, aux morceaux de moi que j'offre au vent et à ceux qui se font écorcher aux passages. Je souris des découvertes merveileuses, inattendues que j'ai faites, et je sais que la douleur n'est pas grave.

Je pense à l'an dernier, tous ces gens qui avaient chanté pour moi au petit-dejeuner ; je pense à l'année d'avant, le texte écrit dans un hacklab de Rennes ; l'année d'avant, une fête à Villejuif et les fleurs recues de Jonathan.

J'étais triste aujourd'hui, de ne pas avoir recu de mails et d'être loin de celleux que j'aime. Mais elle m'a dit que je lui avais manqué, et m'a offert un joli paquet de gourmandises pour le trajet - avec une carte représentant une sorcière vêtue de violet et jaune.

Oh, et puis de toutes facons c'est chiant d'organiser des fêtes.

Je suis dans le bus. J'ai vingt-quatre ans.

dimanche 19 février 2006

Clichés détournés

Je n'ai toujours pas visité le château, alors que mon séjour s'est prolongé. Par contre, j'ai eu droit à une découverte assez particulière de la ville... un bar autogéré dont la déco me rappelle la maison, avec de la bouffe vegan ; un bar gothique (le "Jekyll & Hyde") dont les vitrines garnies de squelettes et autres fioles mystérieuses sont absolument fantastiques, et la musique parfaite pour danser. Un bar tenu par un couple gay dont l'un est français, où se déroulait une soirée "Absolutely Dragulous" dont les travesties m'ont chaleureusement accueillie, et lorsqu'on m'a fait des compliments sur ma tenue je n'ai pas précisé que celle celle de Tiph - puisqu'elles ne la connaissent qu'en Steven. Quelques heures à Violate, une soirée SM mensuelle dans un donjon bien équipé, avec des vêtements - ou leur absence - hum... j''étais nettement plus habillée que la moyenne (je retiens que danser avec des New Rock, c'est pas forcément une bonne idée).

Nous avons besoin d'air frais, alors nous repartons à pieds, je suis un peu mal à l'aise que le kilt ne dépasse pas de mon manteau court... mais Steven me dit que c'est plus courant ici, alors je prends son bras et nous marchons tranquillement. Nous croisons un groupe, dont un mec nous lance "hello guys" - je hoche la tête, pas envie que l'on grille mon accent français, mais Steven répond "good evening", et lorsque nous les dépassons j'entend qu'il dit "they're lesbians" à ses potes, visiblement déçu. Yes, we are...

Steven réalise un peu plus loin sur la route qu'il a toujours des menottes accrochées à la ceinture ; je lui tends le poignet, nous nous attachons, et je tiens sa main. Il rigole du nombre de clichés sexistes que nous avons illustrés.

Mais c'est moi qui lui ai offert des roses, elle était contente. Et c'est elle qui a préparé du thé en rentrant, bien qu'elle n'en boive pas.

jeudi 16 février 2006

Scottish fetish

Elle me montre son corset noir surmonté de tissu écossais, et le kilt court assorti. Je ne peux résister à m'y glisser, son regard se fait appréciateur. J'y ajoute des gants en dentelle noire, elle me signale que je reste très "domina". J'essaie ses chaussures à talons hauts, je me sens provocante.

Nous réglons la lumière contre le mur blanc, plus tard nous étalerons une fourrure blanche pour que je pose mes genoux. La connection est un peu longue, mais finalement notre studio photo improvisé est prêt : elle observe mes poses, je bouge d'une position à l'autre au gré de mon inspiration, mais pour que les photos ne soient pas floues, mes déplacements se font au ralenti... comme si j'étais sous l'eau. Parfois elle me demande de tenir une pose, ou de revenir dans le champ de l'appareil ; souvent elle râle parce qu'elle n'obtient pas le bon cadrage, ou que c'est flou, mais le résultat compte moins que notre plaisir en ce moment.

Nous ne nous touchons pas, mais ses yeux posés sur moi font courir des frissons sur ma peau. Soudain, je joue avec les trois secondes de décalage entre la photo et l'affichage sur son ordi pour la surprendre : je m'appuie, debout contre le mur, et glisse ma main sous la jupe - souriant en anticipant le moment où elle le verra ; lorsque l'image lui apparaît, elle relève la tête brusquement et je ris... elle me regarde par-dessus l'écran, incapable de se concentrer vraiment sur la prise de vues. Je ne pose plus : la sensualité diffuse de ces dernières heures me submerge, il faut que je libère cette tension par un orgasme. Je me masturbe devant Tiph - avec elle en fait, ce n'est pas du sexe solitaire !

Je n'avais jamais vu mon plaisir, les photos en retiennent chaque étape. Et aussi celle, ensuite, où mes jambes m'abandonnent et je me laisse glisser assise, un sourire extatique aux lèvres.

lundi 13 février 2006

Dirty Dancing

Le videur à l'entrée me laisse passer mais se met devant la porte ensuite :
- Only girls come in.
- Oh, but I'm a girl, dit-elle de sa voix grave.
- You don't look so much as a girl to me.

(- Seules les filles peuvent entrer.
- Oh, mais je suis une fille.
- Je trouve que t'as pas vraiment l'air d'une fille.)

Effectivement, elle ne ressemble pas tellement à une fille. À vrai dire, c'est le plus beau drag king que j'aie jamais vu. M'enfin on peut bien aller à une soirée lesbienne habillée en homme hein... enfin, à condition qu'il la laisse entrer.

- I'm dressed as a man but I'm a woman, (Je suis habillée en homme mais je suis une femme), explique-t-elle patiemment. Et, wouah, j'aime sa voix lorsqu'elle parle anglais.
Le videur est visiblement certain qu'on se fout de sa gueule. Nous expliquons toutes qu'elle est une femme, la situation nous fait plutôt rire et d'ailleurs la videuse laisse le mec gérer le cas, je soupçonne qu'elle a capté mais que la déconvenue de son collègue l'amuse. Lui en tous cas ne lâche pas le morceau, et refuse qu'elle entre.

- So you really don't believe me, do you ?
- No. Get off !
- OK, I show you.

(- Tu ne me crois vraiment pas ?
- Non. Casse-toi !
- Bon, je te montre.)

Et sur le parvis de cette église désacralisée où est organisée la soirée "for gay girlies & their friends", elle écarte sa veste, ouvre sa chemise (d'homme, bien sûr), et montre le haut des bandages qui couvrent ses seins pour en faire de plausibles pectoraux. On voit très bien les deux arrondis, je réprime en moi l'envie de croquer dedans. Le mec sidéré lui fait signe de passer, pendant qu'elle lui explique qu'elle est très flattée de la conviction dont il a fait preuve. Nous en rions encore après avoir payé l'entrée, posé nos manteaux au vestiaire, pris des verres et trouvé une table au milieu des centaines de lesbiennes présentes.

Ensuite nous allons danser ensemble et nous rions de donner une telle image de couple hétéro (je suis en jupe, assez girlie). Elle m'embrasse, je suis surprise - je calcule vraiment jamais rien quand il s'agit de filles, m'enfin en même temps je la connais depuis seulement quelques heures - mais bientôt nos baisers font disparaître sa barbe, et je découvre son piercing sur la langue, et nous échangeons des caresses sur la piste de danse (ça ne se fait pas trop ici je crois, nous sommes les seules) pendant vingt bonnes minutes, jusqu'à ce qu'un ami à elle vienne nous signaler que, hum, il y a des caméras sur la piste de danse et que nous sommes juste devant, donc nous avons fait partager le spectacle à davantage de gens que nous ne pensions.

Nous sommes plus discrètes pendant quelques instants mais ses yeux clairs me provoquent et c'est bon de se frotter, de se toucher, de s'embrasser, alors nous continuons. Puis je sirote mon martini-limonade en discutant avec un geek israëlo-américano-écossais, pendant qu'une butch hilare vole la casquette de Tiph : les deux longues tresses qu'elle y avait cachées se déroulent, contrastant avec ses restes de barbe. Nous la retrouvons, reprenons nos affaires au vestiaire et grimpons dans un taxi, elle, son ami et moi. Ils indiquent leurs adresses au chauffeur, je dis que je ne sais pas encore où je dors, me tourne vers Tiph, lui demande si elle m'invite chez elle ; elle sourit et répond "why not ?" (« pourquoi pas »)...

J'assiste à une nouvelle transformation lorsqu'elle enlève son costard, son chapeau, son gode ceinture, les bandages sur sa poitrine. Sous la douche, je lave ses cheveux et je réalise que je n'ai jamais eu une amoureuse avec les cheveux longs. Sans doute parce que ce qui m'attire le plus, c'est l'androgynie... et androgyne, elle l'est.

jeudi 9 février 2006

In the Land of Mordor where the Shadows lie

Bus pour Édimbourg : je m'endors d'une traite jusqu'à 16h, puis je parle avec un anglais grandi en Australie, installé en Écosse. À l'arrivée, il me montre quelques bâtiments (dont le Scott monument qui me fait vraiment penser à une tour du Mordor) et m'emmène sur Rose street dans un cybercafé, puisque je débarque à l'impromptue sans avoir le numéro de sebc qui m'a invitée. Malheureusement, le numéro que contient son mail est faux, je tombe sur un écossais bourru. Je tente de joindre les Tanneries sans succès, différents gens qui pourraient avoir son contact... je joue de malchance, personne n'est joignable. Le temps passe, il est plus de neuf heures du soir et mes pièces de monnaie se font avaler par la cabine à vitesse éclair... en dernier recours, j'appelle ma môman, lui donne les adresses mail qu'elle n'a pas, et lui demande de me trouver les renseignements. Je n'avais pas réalisé qu'il est une heure plus tard en France mais elle ne compte pas me laisser dormir dehors par ce froid. Elle propose de me rappeller dans une heure : je trouve un pub sympathique pour attendre.

Je commence à stresser un peu de n'avoir pas de logement, par contre j'apprécie indéniablement d'être larguée toute seule dans une ville étrangère. La serveuse choisit dans ma paume ouverte les piècettes pour payer mon jus d'ananas, puis je m'assois à une table pour écouter la musique : un homme joue de la guitare et chante des classiques rock, il a une belle voix. Je me décide à aller demander aux serveur/euse s'ils connaissent un hôtel pas trop cher, au cas où. Ils me notent gentiment l'adresse mais me précisent qu'avec les match de rugby du week-end, les chambres seront peut-être toutes prises : je n'avais pas réalisé qu'un afflux de français avait ainsi débarqué, j'espère ne pas trop en croiser.

Le mec chante du Neil Young quand je repars attendre le coup de fil : maman m'offre le numéro et un grand soulagement. sebc vient me chercher, et nous traversons la ville à pieds pour rentrer chez lui, en parlant un peu de nos vies récentes... une fois dans son appartement, je laisse fondre mes courbatures dans un bain de deux heures, puis je me glisse au lit : les 24 h de transports m'ont épuisée.

mardi 7 février 2006

No milk in my tea, please.

J'arrive à Londres à cinq heures du matin, plutôt en vrac. Un kiosque alimentaire me fournit un grand thé - j'ai beaucoup de mal à décourager le vendeur d'y mettre du lait, quelle idée ! Puis je réalise que je n'ai jamais vu un thé aussi noir, même le café est parfois plus clair. J'y mets cinq sucres sans réussir à cacher l'amertume. Premier coup de foudre pour le Royaume-Uni.

Je sors de la gare routière pour fumer une cigarette. Quelques taxis étranges circulent, ainsi que des bus rouges à étage, mais la ville semble encore assoupie. Je me sens comme une cambrioleuse dans un foyer plongé dans le sommeil, j'aime cette impression de découvrir sans être vue. Je suis face au croisement entre Elizabeth Street et Victoria Str., je regarde un bâtiment en brique rouge et je me dis qu'un truc aussi caricatural à la sortie de la gare, ça doit être fait exprès... mais c'est pareil partout ailleurs, reste à se demander si c'est kitch exprès.

Puis j'ai fait la queue afin d'acheter mon billet pour Édimbourg, en jouant à cache-cache avec un petit garçon très sérieux. Sa maman me sourit, heureuse qu'il s'amuse. Je trouve une barre chocolatée dans mon sac, il la prend en me remerciant sans perdre de son calme. Il ne doit pourtant pas avoir plus de quatre ans, sa mère ne semble pas lui interdire de bouger... ça me rappelle cette prof de sport qui pensait que j'étais réprimée, parce que je préférais lire que courir après un ballon.

Il me reste trois heures. Je descends une rue où chaque maison a un petit escalier devant la porte. Je trouve un arrêt de bus pour regarder un plan de la ville, et je réalise qu'à part les soldats ridicules devant le château (je me sens pas d'humeur), je ne sais pas quoi voir à Londres. Je demande à une fille blonde qui attend son bus, elle est polonaise, n'aime pas beaucoup cette ville mais me cite gentiment quelques lieux. Le premier est Westminster : je prends un bus. Le château et l'abbaye sont assez impressionnants, mais trop meringue à mon goût. Je trouve bien plus pittoresque d'aller marcher dans les quartiers résidentiels. J'erre, mon sac pèse des tonnes, je reprends un thé et trouve une place tranquille devant une église (St John Smith square) où je le bois en grignotant des gâteaux. Des camions livrent des légumes qu'il laissent devant la porte : en France, ce serait volé avant que les destinataires se réveillent.

Passée devant un grand immeuble très moderne où les gens doivent avoir carte + code pour entrer : "New Scotland Yard". C'est pourtant pas l'Écosse mais encore l'Angleterre, je m'interroge sur ce nom. Ah tiens, maintenant je sais.

Croisé des adolescents en costard, partant à l'école. Le plus jeune ressemblait à Harry Potter, forcément.

Trouvé une carte postale ridicule dans un petit magasin tenu par un indien. J'ai hésité avec celle du prince William, encore pire, mais celle de Londres est d'un mauvais goût plus classique.

Je passerai plus de temps à Londres avant de retourner en France, mais là cap vers l'Écosse.

lundi 6 février 2006

C'est mon voisin

Lorsque je me suis assise près de lui, il a ramassé très vite ses affaires pour me faire de la place et m'a souri. J'ai rangé mes sacs, puis j'ai sorti des bonbons et lui en ai proposé : je n'aime pas faire semblant d'ignorer ceux que je côtoie au hasard des voyages. Il a enlevé ses écouteurs, nous nous sommes présentés. Son nom est sonore, son look moderne - après avoir comparé nos animes préférés, il m'explique quelques trus de linguistique japonaise... nous n'arrêtons pas de parler pendant tout le trajet jusqu'à Calais, puis je l'attends après le contrôle des douanes : les formalités sont courtes pour moi, longues pour les noirs et les indiens, et l'un sera emmené par les flics - quand on est né dans un pays pauvre, prétendre se déplacer où on veut est une insolence sévèrement punie.

Je suis émue lorsque le bus monte dans le ferry : j'aperçois les lumières du port se refletant dans la mer, ça faisait longtemps que je ne l'avais vue et comme chaque fois, j'ai dû retenir la pulsion de courir à travers tous les obstacles jusqu'à plonger en elle. Je lui ai juste souri et saluée mentalement, puis j'ai été avalée dans la cale : moi petit poisson, dans un poisson-bus plus grand, englouti par une baleine aux intestins sinueux, étrangement nommés "blue stair", "silver café"...

Dès ce moment, tout est différent : les gens parlent anglais, et n'envisagent pas l'éventualité de ralentir le débit pour se faire comprendre ; je me trouve confrontée à une monnaie nouvelle sans avoir pensé à me renseigner sur le taux de change ; je réalise que je n'ai pas fait de stocks de tabac avant de partir, et celui que je fume n'est pas vendu au magasin detaxé...

Nous allons nous asseoir dans un bar où je regarde l'écume par la baie - le ciel et la mer sont noirs, mais là où nous passons, une traîne blanche déchire l'obscurité. Dans le gigantesque salon ultra-moderne, les canapés aux couleurs vives sont peu à peu envahis de dormeurs. Je tente moi aussi de m'alonger, mais je sens les vibrations de la coque et l'eau en dessous, et je savoure cette sensation.

Puis pour la première fois, je suis outre-Manche. Des falaises superbes forment le dernier rempart avant ces contrées perturbantes où les gens roulent du mauvais côté - ça c'est cliché - mais où chaque passage piéton précise "look left" ou "look right" (je me demande combien de touristes se sont fait écraser pour qu'ils le précisent à chaque rue) - ce qui n'est pas superflu, parce que c'est comme si j'avais soudain perdu tout sens de l'orientation.

Mais j'anticipe... cela c'est ma visite de Londres, et avant cela j'ai dit aurevoir à mon compagnon de route, que je ne reverrai sans doute jamais vu qu'il repartait le jour même au Japon. Il est maintenant de l'autre côté de la Terre, alors que j'ai pu dire "c'est mon voisin". J'aime ce sentiment d'étrangeté qui m'étreint parfois face à notre "époque formidable", où le plus extraordinaire est devenu banal.

Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.