Complément d'humeur

Marre d'être une "gentille fille" attentive, patiente et souriante : fini. Ça implique d'apprendre à dire non, stop, je t'emmerde - apprendre à poser mes limites, à les défendre - apprendre à être forte, dure, à être méchante.

Tu avais des étoiles dans les yeux, ce jour où je réalisais qu'il fallait que je sois méchante. Tu anticipais avec délices ce moment où je serais forte d'une manière que tu comprends. Ça me fait plutôt rire, parce que je suis pas sûre que tu l'aimes, la Solveig méchante - mais alors, pas sûre du tout. Peut-être que tu t'imagines mal ce que ça donne, tu ne l'as jamais connue - ou alors c'est que tu es masochiste davantage que je ne le sais.

Je suis en colère, parce qu'on relationne ensemble depuis bientôt deux ans, et que là, j'ai grave pas confiance. Je suis en colère parce que tu m'as fait mal d'une manière pas inédite, parce que tu m'expliques que "ben tu vois les choses avant moi et t'es trop méchante d'exiger que je te tienne au courant avant de le savoir". Hé bordel, si je peux le voir c'est qu'il y a des signes, je suis pas devin - alors oui j'ai été dressée pour ça, je suis une fille ok, mais y'a des cours de rattrapage qui ne sont pas facultatifs. C'est complètement irresponsable, de prétendre avoir des relations (des trucs intimes, même sans baise) avec plusieurs personnes, quand on est pas foutu de se demander régulièrement où on en est affectivement et de le faire savoir aux autres. Bah p't'être c'est pas facile, mais puisque les filles y arrivent, un grand garçon comme toi devrait pouvoir, hein ?

Y'a intérêt, parce que moi, là, ben je me sens pas en confiance. La discussion conclue par "elle me demande avant que je sache et je me sens coupable alors que je savais même pas encore" VS "ben ouais mais combien de temps il te faut avant de te rendre compte ? Ah tout va bien, à ce rythme je peux vieillir tranquille, en attendant que tu viennes me faire des bilans de ton équilibre affectif", ben cette conclusion-là elle me va pas. Je peux pas être "plus patiente" pour ce qui est de savoir où en est notre relation, je peux pas me dire "il n'existe rien tant qu'il ne m'en a pas parlé", je peux pas me dire "je vais entamer la discussion de façon neutre et lui faire réaliser ce qui se passe sans le traumatiser, le pauvre chou" - pas si je considère que je relationne avec une personne responsable. Ce serait un pur rôle genré, de prendre sur moi, de te ménager, de jouer à la maman attentive et présente, toujours. Ah tiens, je veux pas être une maman en fait.

Je me sens pas en confiance, parce que ça fait deux ans qu'on relationne, que tu m'as fait mal d'une manière identique à la précédente dont tu viens de ramasser les morceaux - tu étais déjà en manque de ma déprime, ou tu enlèves les pincettes dès que je vais mieux ? Je suis ébahie, horrifiée, en rage de me dire qu'après tout ça - tant de temps, d'énergie, de discussions, d'adaptations réciproques, de mises en commun, d'implication - tu peux me faire mal, et sur un truc aussi évident, tellement évident que j'avais déjà été surprise la première fois. Et là quoi ? Ben il recommence le con, voyons. Combien de fois t'as besoin que je te dise "ça fait mal", avant que les choses te semblent évidentes aussi ? Nan j'demande histoire de prévenir, parce que l'option "méchante" est incompatible avec "punching-ball", au cas où tu t'en doutais pas, alors va p't'être falloir que tu te trouves un autre cobaye si t'as encore besoin d'expérimenter "in vivo".

Oh mince alors, je suis partiale et agressive et accusatrice, je suis vraiment pas très déconstruite moi ce soir, la colère c'est vraiment trop réactionnaire comme truc.

Ouais j'ai eu envie de rompre, sans savoir ce que ça voulait dire. Oui moi aussi j'ai envie de relations sur le long terme, pas de consumérisme affectif - en même temps, je dois bien avouer que penser le "avoir mal" sur le long terme, j'ai du mal, justement. Manque d'abnégation sans doute. Oh je dis pas que je veux une relation sans douleur - aimer ça fait mal, grandir aussi, je peux encaisser. M'enfin pour que la douleur soit intéressante, il faut quand même qu'elle soit variée, sinon c'est juste assommant. Forcément, dans une relation de long terme, on tombe sur des cas inédits où on se fera mal parce qu'il y aura des nouvelles choses à prendre en compte, à commencer par les blessures récentes : Fin m'a dit quand je l'ai vue que les douleurs ne disparaissent jamais, elles s'accumulent et rendent plus précautionneux lorsqu'on en a marre de se faire ravager ; ben j'crois que je vais commencer à me ménager maintenant, hein. Alors je pense qu'avec les blessures que j'ai déjà, et celles qui inévitablement me tomberont sur la gueule, j'ai assez à gérer jusqu'à longtemps, et p't'être je suis chochotte, ou p't'être j'ai tendu trop souvent l'autre joue dans ma vie et je sature tôt. Peu importe, toujours est-il que je ne veux pas qu'on gratouille mes cicatrices sans faire attention. C'est là, et celleux qui ne sont pas foutuEs de faire attention à mes douleurs, ben je ne crois pas que j'ai l'énergie de le leur redire plusieurs fois.

Oh non, je ne parle pas de rupture, et ceci n'est pas un ultimatum - d'ailleurs c'était joli hein, la dernière fois qu'on s'est vuEs. Juste je t'explique le fond de mes angoisses récentes, le pourquoi de mon sentiment d'insécurité, pis tant mieux si t'en fais quelque chose. D't'façons au cas contraire je m'inquiète pas pour toi, des filles gentilles et attentionnées mais super déconstruites, y'en a plein.