J'ai fait souffrir Lunar. Lunar souffre, à cause de moi, et c'est intolérable. Je veux dire... je l'ai déjà vu souffrir, mais pas autant, et je n'en étais pas responsable - je pouvais donc me concentrer sur l'apaisement de sa douleur, et ça marchait plutôt bien. Je lui ai déjà fait mal, intentionnellement, ou plutôt consciemment, lorsque je devais lui exprimer des choses qui me gênaient dans son comportement - mais c'étaient douleurs utiles et vite résorbées.
Alors que ce soir, on a parlé - anodinement, au premier abbord. Et... on s'est braquéEs sur des mots, des attitudes, des positions respectives impossibles. ChacunE s'est retrouvé face à un miroir déformant, avec le sentiment d'incarner unE autre, l'impression que le compagnon de route que je connais bien n'était pas celui que je pensais, et qu'il me pensait autre que je ne suis. C'est vrai, d'ailleurs. J'ai tellement changé ces derniers mois, nous nous sommes si peu vus, et à chaque fois nous continuons à utiliser la même interface de discussion que les fois précédentes - et maintenant elle n'a de sens ni pour lui, ni pour moi.
Et puis... il se surmène depuis plusieurs mois. Nous n'avons pas eu de temps ensemble, et j'ai arrêté de jouer pour lui le rôle régulateur qui savait le modérer. Parce que lui ne le joue plus pour moi, j'ai arrêté de le faire pour lui - notre relation ne supporte pas le déséquilibre. Il savait intervenir dans ma vie trépidante, me proposer des activités, centraliser mes ressentis. J'arrêtais ses élans geeks en tendresse.
Alors je l'ai retrouvé plusieurs heures après notre dispute, tremblant et apathique, je ne l'avais encore jamais vu ainsi. Il a pleuré dans mes bras, et je crois me rappeller que c'était déjà arrivé mais je ne me rappelle ni quand, ni pourquoi - en tous cas, jamais autant. Il a tremblé pendant des heures, crise de nerfs lente mais profonde.
Je ne supporte pas de faire souffrir, encore moins ceux que j'aime. J'ai peur. Je voudrais être sûre de pouvoir éviter cette douleur. Pas sûre du tout qu'on ne se fera plus mal. Mon ventre se tord à l'idée que, en nous éloignant l'un de l'autre, nous serions sûrs de ne plus nous entre-déchirer. JE NE VEUX PAS M'ELOIGNER DE LUNAR.
Dépendance affective? Oui, encore une fois. Et forte. Mais je ne rêve pas d'un monde où chacunE vivrait dans son coin. Lunar m'apporte beaucoup, je pense (et il me dit) que je lui apporte aussi. Plaisir et souffrance mêlés, tri à faire.
Je t'aime, petit Lu. Même quand tu es un cadavre (et ce mot dans ta bouche m'a fait mal). Même lorsque les images dans ta tête sont atroces. Je veux bien t'aider à les sortir, veiller sur le zombie. Et si c'est moi qui alimente cette douleur plus que je ne la soigne, je te fais confiance pour savoir que tu t'éloigneras.
Je puise dans mon optimisme, dans cette phrase que tu m'as dite un jour, dans mon énergie dispersée dans trop de processus actuellement, dans l'espoir que ces chamboulements qui me font vaciller depuis des mois me permettront de me construire plus forte, et je te propose, Lu : re-découvrons-nous, réapprenons à nous parler. Tu veux?