Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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vendredi 28 novembre 2003

Rêvé que je la sauvais...

Il y a quelques semaines, je m'étais réveillée très marquée par un rêve que je venais de faire : dans mon rêve, nous nous promenions au milieu d'une foule, sur une grande place avec quelques marroniers. Nacara et moi étions bien, sauf que je me sentais gagnée par une inquiétude latente... je savais (par magie, comme dans les rêves) que quelqu'un voulait la tuer. Alors je restais près d'elle, attentive. Et puis je voyais cette homme surgir de la masse, et je bondissais pour la pousser loin, loin de cet homme que je ne connaissais pas mais qui semblait la connaître et lui voulait du mal. Je me relevais, la retrouvais, et nous savions qu'il avait été emporté au loin, que nous ne risquions plus rien. Sentiment de soulagement, fierté aussi. Et puis j'avais oublié ce rêve...

Jusqu'à ce soir, oui là maintenant. Elle est en danger, mais ce n'est pas un rêve et je suis impuissante...

Love is a four persons feeling

Et en français, amour, ça fait cinq avec moi :) Un peu périmé tout ça... ça date du 15 octobre, mais je n'ai plus le courage d'en faire quelque chose de bien.

Lunar, repère insaisissable
Over Kobal's dark life view
Vraiment précieuse est ma lutine
Et toujours Jonathan à mon côté.

L'anarchiste révolté par amour
Only him can't see love free
Vraie et douce elle s'ouvre à ma joie
Et mon ange de patience veille sur moi

Il faut que j'arrête de m'en vouloir de ne pas avoir réussi à mener toutes ces belles histoires de front. Je suis humaine, bordel, et pas assez forte pour réussir toujours. Ce furent de beaux moments, de beaux partages, beaucoup de plaisir aussi. Pas de regrets, l'amour reviendra en son temps.

jeudi 27 novembre 2003

Nouvelles du jour, bonjour !

Bon, en fait je cause, je cause, et j'oublie de noter ma vie du quotidien. Pourtant c'est beau aussi, ces petites choses... en ce moment je les réapprivoise. Je suis sereine, je suis bien - et non, je n'ai pas de nouvel amoureux, justement. Je profite du fait d'être célibataire, ce que je n'avais pas su faire depuis mes seize ans. Mais j'ai de bonnes raisons pour ça : en général, au bout de deux semaines maximum, je suis vraiment en manque de gros câlins, et comme je suis (j'étais ?) pas douée pour les brèves aventures, j'enchaînais avec une nouvelle relation. Là, heureusement, y'a des gens autour de moi quand j'en ai besoin, en particulier Lunar que je ne remercierai jamais assez pour m'avoir aidée à sortir du mal-être où je m'étais plongée, juste en quelques mots et en tendresse - décidément je parle beaucoup de tendresse en ce moment, mais en fait c'est essentiel pour vivre, je crois. En me rappelant certaines notions qui nous sont communes, ce qui m'a incitée à réfléchir aux qualités que je voulais garder lors de ce grand ménage en moi, celles que je possède (enfin je crois, dans les bons jours) et que j'apprécie : humanité, cohérence, attention et compassion, et enfin égotisme. Ca vous semble sans doute contradictoire, mais pas avec ma définition de ces mots : l'humanité, c'est d'accepter ses faiblesses (et par conséquent celles des autres) ; la cohérence, c'est d'être en accord avec soi-même - y compris ses propres incohérences ! ; l'attention, c'est de rester éveillée au monde, les yeux grands ouverts et prêts à être émerveillés ; la compassion c'est la capacité à se mettre à la place des autres, l'empathie en fait ; et l'égotisme c'est de garder conscience de ses propres besoins et désirs, ce qui permet d'ailleurs les concessions pour ménager ceux des autres. Je suis heureuse en ce moment, je me reconnais de nouveau dans mon miroir intérieur.

Mais je dévie, j'avais dit que j'évoquerais mon quotidien... je travaille beaucoup, trop, parce que je vais provisoirement changer d'agence pour combler une démission alors je dois tout laisser nickel pour la nouvelle qui débutera ; ça ne me fait pas très plaisir, je vais me retrouver dans une ambiance tendue, avec un chef désagréable, dans un décor déprimant. Mais je suis prête à être dure quand il faudra pour ne pas me laisser marcher sur les pieds, et puis ça change. De toutes façons je reviens au siège d'ici quelques mois, et je retrouverai mon gentil chef. Bon, un jour j'expliquerai mon travail pas palpitant :)

Sinon, je fais plein de ménage chez moi. Mon frère glandouille, il a renoncé à avoir son bac en mai et n'a toujours pas trouvé de travail depuis lors, et il n'assume pas ses tâches à l'appart non plus. Je me retrouve à ramer lorsque je rentre pour tenir tout ça dans un état correct, et c'est pas concluant.

Je vois des gens, quand même. Marc me fait voir des choses biens comme d'habitude (m'enfin la dernière fois il a été shameless, il nous a sorti le premier épisode de la série Sailor Moon, eh bien c'est niais, mal joué, ridicule à souhait. Ca a fait rire Nacara, par contre Lunar a frôlé l'apoplexie lorsqu'on a relancé le générique. Mais quand même, les gentils anonymes qui ont pris la peine de faire des sous-titres se sont lâchés pendant les pubs, et c'est assez délire). Je vois (et j'ai l'honneur d'accueillir sur mon blog) Nacara aussi, hier soir c'était décalé d'assister aux courts-métrages lesbiens, d'ailleurs à la sortie j'ai remarqué plein de filles charmantes - j'ai retrouvé mes antennes ! Et puis depuis quelque temps on a instauré l'habitude de déjeuner ensemble un midi par semaine avec ma petite fée Lucy, et on discute bien - on se comprend sans avoir à expliciter tous les prérequis, et elle sait écouter, pis elle est drôle aussi. Matou aussi, mon grand frère nounours qui sait me prendre dans ses bras quand ça va pas... et Nicbouss, que je vais voir dans deux semaines, dont je vais rencontrer la chérie, et qui - contrairement à ce que j'avais annoncé, ne sera pas tout de suite papa - mais ils réessaient.

Je lis, même si ça fait trois semaines (!) que je suis sur le même livre - faut dire il est en anglais et c'est la première fois que je me donne la peine de surmonter mon antipathie pour cette langue. Il est très bon : Original gay and lesbian writing science fiction, je vous le conseille. Alors là vous allez me dire : "Mais deviendrais-tu lesbienne, Solveig ?!", et je réponds catégoriquement : Non. Je découvre cet aspect nouveau de moi-même, mais je reste attirée par les hommes. Ce serait dommage de se refuser de faire du sexe avec une moitié de l'humanité, quelle qu'elle soit (bon, on me fait justement remarquer que de toutes façons je ne peux humainement pas faire de sexe avec plus de trois milliards de gens, et rassurez-vous ce n'est pas mon but).

J'écoute plein de bonne musique quand j'ai accès à LA chaine survivante de l'appartement, et ça remplit : Belle and Sebastian, Jeff Buckley, Jude, Radiohead, Noir Désir, REM, Fiona Apple, PJ Harvey, Kristin Hersh, Spain, Venus, Portishead, Massive Attack, Dionysos, tout ça... pis j'ai (re)découvert Archive, et c'est bon aussi.

Je ne vous ai même pas annoncé que ma soeur a déménagé depuis le début du mois, m'enfin elle va peut-être le faire elle-même maintenant qu'elle a son nouveau WikiBlog - elle va sans doute m'en ouvrir un bientôt d'ailleurs (eh oui, troisième déménagement mais SPIP n'est pas vraiment adapté à mes besoins). A suivre...

Hier soir je me suis faite draguer par un mec en sortant du métro, il était gentil comme tout mais il a compris quand je lui ai dit que je n'avais pas de temps dans ma vie - ça faisait longtemps. Suffit d'être à nouveau ouverte aux autres pour qu'ils vous voient de nouveau.

Bon, le reste demain (ou plus tard, hein), parce que là je vais rentrer profiter que Romain est parti fêter son anniversaire pour improviser une soirée tranquille avec Lu'. Bisous à vous !

Bain de nuit

La houle s'est calmée. Le vent a arrêté de souffler et de m'emporter avec lui, les courants des profondeurs ralentissent leur course sans fin. Je me sens apaisée et sereine, en paix avec moi-même, heureuse sans exhaltation - juste tranquille, mais pas morte. Je laisse les expériences des derniers mois couler au fond de moi, s'y dissoudre pour aromatiser l'eau de leur saveur, s'intégrer à la biosphère qui hante mes lagunes. Je me laisse retomber en vagues de plus en plus imperceptibles sur le rivage. Au large on aperçoit encore l'ombre de mon écume, douce chantilly de rires et de larmes. Les mouettes elles-mêmes délaissent leurs voyages lointains pour venir nidifier sur les côtes abruptes de quelque falaise que ma patience joue à éroder. Le sable retombe et forme d'étranges dessins que la brise effleure sans oser abîmer. C'est l'heure avant le crépuscule, où les feux d'algues qu'allument les vacanciers ne sont encore qu'un espoir. Ceux qui se baignaient sont partis avec la chaleur, je reste seule assise sur la dune, bercée par le bruissement des grandes herbes, à surveiller l'avancée majestueuse du soleil vers son lit liquide - ses dernières lumières reflétées par les nuages nous font douter de cette fin prévisible, la débauche de couleurs semble promettre une fête sans fin - mais le disque, rouge maintenant de s'être débattu, touche finalement la ligne d'horizon, et l'étendue liquide l'absorbe résolument. Je descends sur la plage avant que la nuit ne soit complètement tombée, quitte mes vêtements tout en marchant, et m'offre à la mer qui murmure son accord, qui élargit des ondes autours de mon pied lorsque je le glisse sous sa surface. Sa fraîcheur ne me surprend pas, je marche puis nage lorsque la profondeur s'y prête, et j'accompagne durant quelques mouvements la disparition de l'astre diurne - mais déjà une pâle lune attend que le ciel soit dégagé pour y dévoiler ses reliefs. Je plonge, mes yeux ouverts comme toujours, même si nulle clarté ne vient à cette heure révéler le fond. Je m'abandonne aux courants, et je sens leurs caresses - ni attouchements ni chatouilles, juste tendresse qui s'enroule autour de moi sans me retenir. Je nage pour garder ma chaleur, pour pouvoir rester plus longtemps. Mes mouvements rident à peine la surface, et les gouttes que je projette lorsque je vais chercher de l'air retournent naturellement à l'immensité. La fatigue ralentit peu à peu mes gestes. Je me laisse flotter en regardant les étoiles apparaître. Puis j'adresse un merci silencieux, promets de revenir bientôt, et sors de l'eau, maladroite pour un moment de sentir à nouveau mon poids, de perdre la fluidité. J'essore mes cheveux et rends ainsi à la mer quelques parcelles de ses offrandes ; des algues restent dans les noeuds, le sable dans mes oreilles, le sel sur ma peau. Ma soeur d'été m'attend avec un peignoir, je m'y abrite du vent et nous longeons la rive en parlant doucement, en collectant les galets et coquillages déposés par la dernière tempête. Et parfois un caillou est tiède sous le pied, jaune à la lumière et tendre sous la dent : c'est que nous avons trouvé de l'ambre.

Lorsque nous sommes riches de mots échangés et de merveilles marines, nous revenons vers la maison, mettant nos pas dans ceux que nous avons faits à l'aller mais que les clapotis ont effacé. A l'intérieur, nous nous réchauffons grâce à un thé et au récit de notre ballade. Mon frère d'été gratte doucement sa guitare sans doute, mon père d'été lit son journal en fumant, ma mère d'été entame son premier verre de vin - "not before sunset". Je sors les cartes, Erick sénior met la radio, Anna, Erick junior, Chrani et moi nous réunissons autour de la table. Lorsque la faim pourrait commencer à nous titiller, grand Erick sort de la cuisine avec des plateaux de tartines qu'il a préparées selon nos goûts. Plus tard, je lirai un Lucky Luke en allemand ou nous entamerons une grande partie de monopoly délirium. Avant de dormir, nous discuterons longtemps avec Anna dans nos lits auxquels la moustiquaire donne des airs de baldaquin. Et le lendemain de nouveau, le soleil nous éveillera et le petit déjeuner sera gargantuesque, et nous attendrons une heure pour aller nous baigner, et la vie coulera vive et tranquille et libre de toute obligation.

C'est là que je vais me ressourcer lorsque je me suis perdue, là où j'ai appris à être heureuse. C'est mon jardin secret, mon petit bout de paradis préféré. La où le vent éparpillera mes cendres, aussi. La maison s'appelle l'Immortelle, le bonheur se nomme Dierhagen.

Encore un !

Après les anniversaires de Maman (le 23) et d'Eve (le 26), voici celui de Romain - eh oui, aujourd'hui. Il a vingt ans, il est beau, drôle, intelligent. Pas riche du tout et assez chiant par moments, mais ça sera un homme bien quand il s'y sera décidé (à être un homme, je veux dire : quand il acceptera de grandir un ch'ti peu). Mais bon, lui souhaiter ici c'est bof, vu que je sais qu'il lit pas. Par contre cette nuit j'ai eu une idée, alors j'ai pris une demi heure pour lui préparer une surprise idiote comme quand on était petits, en éparpillant dans l'appart vingt petites feuilles de couleurs lui souhaitant un joyeux anniversaire et portant chacune un voeu différent (joie, spontanéité, tendresse, rire, amour, cohérence,... enfin y'en avait vingt). J'étais assez fière de moi en en plaçant une dans la boîte à café et une autre dans le frigo ; sans oublier celle du gant de toilette dans la salle de bains.

Je suis vraiment bête, des fois :)

mercredi 26 novembre 2003

Des bougies pour une fée...

Je vais vous dire un secret ! Mais vous le répèterez pas, hein. C'est un secret précieux. Même que c'est un joli secret. Bon, ben... c'est l'anniversaire d'une fée aujourd'hui. Une fée grandit, une fée et rit, et en plus cette fée-là, c'est ma soeur.

Alors je te souhaite plein de bonheur et de cacahuètes, et aussi de l'amour et des programmes. Joyeux anniversaire !

mardi 25 novembre 2003

Questionnaire

par Nacara

Ben oui, je suis pas possible... Mais comme j'ai plus (du tout) de blog, comment je fais pour poster mes réponses au questionnaire de Sophie Calle et Grégoire Bouillier, moi ? Ben je squatte chez Solveig.
Peut-être n'y aura-t-il que ce post-là, peut-être d'autres suivront, je ne sais pas encore, on verra bien. J'ai pas trop envie de me remettre à écrire, j'ai pas vraiment grand chose à dire, mais comme dirait l'autre, faut jamais dire jamais. Bref.

{1) Quand êtes-vous déjà mort ?}

Pour la dernière fois, le 15/11/03. Mais il y en a eu d'autres avant.

{2) Qu'est-ce qui vous fait vous lever le matin ?}

La peur de ne plus jamais trouver le courage d'affronter le monde si je ne me lève pas immédiatement. Enfin, ça ou l'habitude, je me tâte.

{3) Que sont devenus vos rêves d'enfants ?}

Je les ai rangés dans des boîtes en carton.

{4) Qu'est-ce qui vous distingue des autres ?}

Objectivement, rien. Objectivement, tout.

{5) Vous manque-t-il quelque chose ?}

Une ouverture à ma carapace.

{6) Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?}

Tout le monde peut créer, mais tout le monde n'en a pas l'envie ou la patience...

{7) D'ou venez-vous ?}

Mes molécules, d'un peu partout. C'est joli, cette idée de poussières d'étoiles, non ?

{8) Jugez-vous votre sort enviable ?}

Oui, mais c'est pas pour autant que j'arrive à m'en contenter.

{9) A quoi avez-vous renoncé ?}

A mon innocence.

{10) Que faites-vous de votre argent ?}

Un tiers loyer, un tiers charges, un tiers loisirs.

{11) Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?}

Toutes celles qui me prennent plus de 15 minutes.

{12) Quels sont vos plaisirs favoris ?}

Lire, dormir. Le chocolat. Hmmm...

{13) Qu'aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?}

Rien de spécial, c'est pas (plus) un jour très important pour moi.

{14) Citez trois artistes vivants que vous detestez.}

J'aime pas trop Houellebecq, mais on est loin de pouvoir dire que je le déteste. A vrai dire, les gens que je connais pas, je ne suis pas capable de les haïr.

{15) Que défendez-vous ?}

Maintenant ? Moi, contre le monde extérieur. Je suis devenue putainement egoiste...

{16) Qu'êtes-vous capable de refuser ?}

Pas grand chose, ça m'a joué pas mal de tours. Disons, tout ce qui m'apparait comme pouvant mettre ma vie ou mon intégrité physique en danger.

{17) Quelle est la partie de votre corps la plus fragile ?}

Mon corps est un grand bazar super fragile. C'est ma faute, j'en prends jamais soin.

{18) Qu'êtes-vous capable de faire par amour ?}

En pratique, beaucoup de conneries.

{19) Que vous reproche-t-on ?}

D'être froide. De ne jamais dire ce que je ressens. De ne jamais savoir ce que je veux.

{20) A quoi vous sert l'art ?}

Ca, je me le demande...

{21) Rédigez-votre épitaphe.}

Pitié, non, évitez-moi ça. Ni phrase, ni nom, ni dates, ni même pierre. Quelle importance qu'on se souvienne de moi si je ne suis plus ?

{22) Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?}

La même, pour voir si je saurais mieux me demerder =)

lundi 24 novembre 2003

Paradis

Attention ! Ecouter Venus en lisant ce post - consigne suggérée par oz

Le paradis est partout où on l'invite. Un soir, assise sur sur un strapontin de la ligne 9, après une longue journée de bureau, avec un livre tout juste entamé dans une main, et un salambô onctueux dans l'autre. A la sortie place d'Italie, face à un groupe de quatre musiciens blacks qui jouent et chantent avec enthousiasme, complètement immergés dans leur musique et d'autant plus présents au monde. Ne pouvoir partir sans leur faire savoir la joie qu'ils m'ont donnée, et pouvant encore moins interrompre ce moment presque sacré tant il est naturel. Alors je leur ai écrit un petit mot que j'ai glissé avec mes pièces, et j'ai repris ma route. Des ressorts sous les semelles, des rythmes dans la tête. Un sourire sur les lèvres, un vrai pas pour quelqu'un, juste qui me dit "Bonjour ! Enfin réveillée ?".

Parce que ça secoue, ces moments où on touche la vie, où on sent le sang circuler avec son oxygène et ses déchets, les pensées remuer sous leur voile d'habitudes. Ces moments qui me deviennent rares, où je suis vraiment-moi. Les claques dans la gueule, ça marche aussi, mais c'est moins agréable. Comme lorsqu'on nous éveille d'un cauchemar. Alors que cet enchaînement de petits bonheurs merveilleux m'a fait ouvrir les yeux en belle au bois dormant dont le temps est venu, en princesse qui (re)découvre les terres dont elle est suzeraine. Où est cet intriguant royaume ? En moi. J'ai tant de terres à cultiver, tant de fleurs à planter ou soigner, ou juste à regarder et sentir. Des fleuves dont le cours m'appelle, des lacs au fond desquels gît quelque trésor, des montagnes à gravir et des pierres précieuses à ramasser pour les disposer sous la lumière d'éphémères arcs-en-ciel. Des alizés salés d'embruns qui m'appellent au large, là où les mirages traînent leurs splendeurs.

Peut-être n'est-ce pas le plus bel empire, mais vous y êtes conviés, seigneurs de contrées à jamais étrangères. Nous comparerons nos failles et nos sommets, nos aubes et nos crépuscules, nos constellations et les soudains artifices qu'y tracent les d'étoiles filantes. Vous me raconterez vos plaines, vos mers et je sillonerai leurs étendues en pensée. Car le malheur de nos pays, c'est d'y être enfermés. Nul ne saura jamais vraiment ce que recèle mon esprit, et je ne peux que deviner vos coeurs. Mais lorsque nous ouvrons les frontières, nous pouvons échanger les produits de nos réflexions, les fruits de notre amour. L'esprit n'est solitaire que s'il est une prison. Ou peut-être le contraire.

B.A. Blog

Mon blog c'est chez moi, j'y fais ce que je veux. D'ailleurs je m'y ballade à poil comme dans mon appart dans la vraie vie. Des voisins sont gentiment venus déposer des rideaux devant la porte, que mon frère a accrochés. Ca m'a bien fait rire. Sur le net si les gens sont choqués ou gênés, ben ils ferment la fenêtre tout pareil. Sont pas obligés de lire, hein. Les voisins pourraient regarder ailleurs s'ils aiment pas me voir nue, aussi. Mais peut-être un voisin aimait-il trop ça et sa femme en a pris ombrage ? Je ne saurai pas, mais maintenant je suis gentille je tire le voilage dans la cuisine lorsque je m'épile (par exemple). Ben pareil sur internet. Sur les pages des autres on respecte leur pudeur, on ne va pas leur imposer nos vies.

Mais le net a d'autres avantages que de pouvoir s'y dévoiler. En plus, ça permet de blablater toute la nuit en cas d'insomnie, alors que dans la "vraie vie" faut réveiller (ou empêcher de dormir) quelqu'un pour lui sortir nos conneries. C'est même agréable de suivre les insomnies des autres sans avoir à veiller.

Le net c'est comme les jeux de rôles, on peut se créer un personnage et raconter ce que vit / vivrait quelqu'un d'autre. Mais en fin de compte on s'en fout puisque c'est un autre, et on redevient soi-même. Avec les mêmes limites, même, souvent. Ouvrir un blog pour parler d'un personnage, c'est plus du domaine du roman que du carnet intime, et je n'appellerais pas ça un blog - peut-être un récit interactif et régulièrement alimenté. Mais en fin de compte ça revient aux romans publiés petit à petit dans des journaux, comme le pratiquaient Balzac et beaucoup d'autres. Ce n'est pas sans interêt, d'autant plus qu'il y a actuellement peu d'autres supports qui s'y prêtent. Mais... moi ce que j'aime dans les blogs, c'est deviner l'être humain derrière l'écran. L'imaginer nu, même.

vendredi 21 novembre 2003

Ramadan et autres madeleines

Moi j'aime beaucoup le ramadan. Bon, c'est facile, d'abord je le fais pas (n'étant ni musulmane, ni même croyante, ça n'aurait aucun sens). Ce que j'aime dans le ramadan, c'est les gâteaux. Ma nourrice était algérienne, et l'un de mes premiers souvenirs, c'est lorsque je me perchais sur la pointe des pieds pour atteindre la grande boîte toujours remplis de gâteaux faits maison. Comme j'arrivais pas au niveau du bord, je pouvais pas voir lequel je prenais, mais je fouillais jusqu'à ce que mes doigts restent collés et là je sortais le meilleur de tous, celui au miel. J'en donnais un à mon frère encore trop petit pour les atteindre, et je reommençais l'opération pour moi.

Alors forcément... cette fête religieuse, pour moi, c'est toujours l'occasion de redécouvrir cette fête du palais. Et puis ça a un goût d'enfance. Quand j'étais petite, je voulais faire le ramadan. Je voulais être la première chinoise de la famille, aussi, à cause de mes yeux très noirs (juste marrons maintenant) et légèrement bridés (enfin, on aurait cru). Et puis je voulais être la première présidente de la république, après tout j'ai un nom islandais, et c'est le premier pays à avoir élu une femme à ce poste. Après, quand il a été question d'entrer à l'école, j'ai voulu me mettre une grosse pierre sur la tête pour plus grandir et pas être obligée d'y aller. Ma mère a dû négocier longtemps pour me faire accepter cette idée.

Ca fait bizarre, de repenser à ses rêves d'enfant. Le questionnaire proposé dans les "inrocks" de cette semaine par Sophie Calle et Grégoire Bouillier m'a fait y penser... je vous le mets, il pose plein de bonnes questions (pis vous gagnez mes réponses en prime) :

1- Quand êtes-vous déjà mort ?

Avant chaque renaissance. Phénix-power (ou insecte qui mue, comme déjà dit).

2 - Qu'est-ce qui vous fait lever le matin ?

L'envie de continuer. De voir le soleil quand y'en a. Un thé bien tiède. Des mots encourageants de celui/celle qui a partagé ma nuit. Deux réveils à un quart d'heure d'intervalle. Mon chat qui miaule. Et c'est un exploit chaque matin malgré tout.

3 - Que sont devenus vos rêves d'enfant ?

Voir plus haut... j'ai renoncé à la politique, pas prête aux compromissions. Je sais que je ne serai pas chinoise, à défaut je me dis qu'un jour je ferai un bébé doré (oui, en mélangeant des gènes de tous les horizons - il ne me reste plus qu'à rencontrer Abdallah Geronimo Cohen, comme dans la Ballade de Thiéfaine). Savoir que je ne pourrai jamais lire tous les livres écrits, ou même seulement les bons, me désespère toujours autant mais je fais de mon mieux. Faire disparaître le racisme et le machisme (oui je rêvais grand), c'est pas gagné mais là encore je fais de mon mieux. Rendre tous les gens heureux, j'ai réalisé que ce n'est pas souhaitable (voir "Le meilleur de mondes"), pas possible à mon échelle (d'abord y'en a qui veulent pas être heureux, alors faut respecter leurs choix), mais... j'essaie de donner du bonheur quand je peux, et j'essaie de l'être.

4- Qu'est-ce qui vous distingue des autres ?

Mon génotype. Mon vécu. Mes choix.

5- Vous manque-t-il quelque chose ?

Oui, et c'est bien comme ça, ça me pousse à chercher.

6- Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?

Potentiellement, oui. Y'en a qui auront jamais l'occasion, le désir de l'être, hein. Mais... être artiste, pour moi, ce n'est pas forcément peindre, ou écrire, ou faire de la musique / photo / sculpture... ni vouloir l'être. L'art existe dans les petits gestes du quotidien, dans les activités les plus surprenantes. Faire la cuisine, ou fabriquer du papier à lettres, ou faire l'amour sont parfois des démarches artistiques. Tenir un blog auusi, pourquoi pas ?

7- D'où venez-vous ?

De l'espace ? Du futur ?
Plus sérieusement, de tout ce qui m'a faite. Récemment, je reviens de moi-même.

8- Jugez-vous votre sort enviable ?

Je suis heureuse. Mais mon bonheur ne serait pas celui de quelqu'un d'autre.

9- À quoi avez-vous renoncé ?

Dormir.

10- Que faites-vous de votre argent ?

Lorsque j'en ai, j'achète des livres (d'occasion, pour en avoir plus), des fringues, je vais au cinéma, à des concerts, au bar, au resto, je trouve des cadeaux pour ceux que j'aime.

11- Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?

L'aspirateur. Par contre j'aime beaucoup laver le linge, je lui parle pour le faire sécher plus vite, mon frère et ma soeur en rient souvent.

12 - Quels sont vos plaisirs favoris ?

Lire. Aimer. Dormir. Ecouter de la musique. Parler-vrai. Caresser mon chat. Découvrir. Les belles lumières. Etre émerveillée.

13 - Qu'aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?

Heu, j'ai la liste à la maison, parce que quand on me demande comme ça j'y pense jamais... j'aime bien les surprises. J'aime pas qu'on m'offre des livres (sauf exception). A sept ans j'ai demandé de savoir lire l'heure, ensuite je demandais des bisous, longtemps j'ai réclamé une journée rien-que-pour-moi à mes parents. Maintenant je rêve d'un mois à Dierhagen, face à (et dans) la mer, mais de l'ambre ce sera très bien aussi, merci :)

14- Citez trois artistes vivants que vous détestez.

J'en connais pas que je déteste, y'a ceux que j'aime, ceux qui me laissent indifférente parce que nos sensibilités se croisent pas, et ceux qui sont pas des artistes (oui je sais je suis péremptoire).

15- Que défendez-vous ?

Ma liberté. La liberté. Les femmes. La SF. Le droit de rêver. Le bonheur.

16- Qu'êtes-vous capable de refuser ?

Le rose, toujours. Les compromissions (pas les compromis). La sécurité. Les sacrifices.

17- Quelle est la partie de votre corps la plus fragile ?

Mes yeux. Mon cauchemar serait d'être aveugle.

18- Qu'avez-vous été capable de faire par amour ?

Grandir.

19- Que vous reproche-t-on ?

Etre trop impulsive, trop péremptoire, être coeur d'artichaud.

20- À quoi vous sert l'art ?

Découvrir d'autres sensibilités, d'autres expériences.

21- Rédigez votre épitaphe.

Je veux être incinérée et que mes cendres soient éparpillées au vent dans les lieux que j'ai aimés. J'aimerais que les gens pensent à moi en se disant "Elle a aimé".

22- Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?

Un chat. Gris.

(et Merci à lui d'avoir pris la peine de le recopier).

J'emmène au creux de mon ombre des poussières de toi

Le vent nous portera

J'arrive enfin à sortir ces mots... Je savais que je devais le faire. Je ne savais pas comment. J'ai attendu qu'on soit tous les deux, enfin. On s'était posés, comme toujours, devant un thé, et on roulait nos cigarettes. Il se réjouissait que l'on ait un lit double, grâce au départ d'Eve. J'ai répondu que c'était trop tard. Il a compris : nos tentatives des derniers mois ont été vaines. Et nous sommes restés un long moment sans rien dire, je voyais défiler dans ses yeux tout ce que nous avions vécu ensemble, tout ce que j'abandonnais. Les moments magiques, la complicité, la compréhension, les mots réinventés pour nous, ces trois dernières années et tout leur cortège de galères incessantes, de joies spontannées, d'amour. Tout ce que personne que nous ne saura jamais, parce que nous l'avions bâti ensemble. Nous avons fumé nos cigarettes, bu notre thé. Ces gestes que nous avons accompli tant de fois ensemble, nous les faisions, séparés. J'ai posé ma main sur son bras, et l'ai poussée, sachant qu'il ne pouvait la supporter - même si c'est affaibli depuis cette longue séparation, nous sentons encore les sensations et sentiments de l'autre presque comme les nôtres. Comme c'est étrange. Et dans ce silence, je me redécouvrais moi, enfin clairement distincte du "nous". Douloureuse libération. Il s'est levé pour partir dans la chambre. Je le laissai faire lui aussi cette découverte, plus dure parce qu'il ne l'avait pas décidée. Bus mon thé. Et le suivis lorsqu'il vint me chercher, et le pris dans mes bras lorsqu'on s'allongea sur le lit, et le serrai dans mes bras pour lui permettre de pleurer, comme il l'avait fait tant de fois, comme je l'avais fait lorsqu'il en avait eu besoin.

Et je l'ai senti mourir dans mes bras. Je l'ai tué par amour, parce que je ne l'aimais plus. J'ai vu saigner toutes nos merveilles, nos folies, nos longues discussions, notre plaisir, nos chansons, nos rêves, nos blagues, notre complicité... tant de choses que je ne peux même pas raconter, parce qu'elles sont infimes, trop nombreuses, trop belles pour êtres mises par écrit avec mes mots handicapés.

Et la lettre qu'il m'a laissée en partant m'a fait mal. Parce que lui seul pouvait accepter ainsi, par respect de mes choix. Parce qu'il m'offrait une compréhension que nul autre n'a jamais su m'accorder - peu de gens en sont capables, je crois.

Malgré la douleur je suis heureuse d'avoir osé rompre. De garder intact ce que nous avons vécu, ne pas s'enliser dans des reproches, des remords, un "de moins en moins bien". Et il reste celui qui fut mon prince charmant, qui m'a aidée à grandir, qui m'a émerveillée si souvent.

Garde précieusement ton cristal, mon ange. Merci d'en avoir éclairé mon chemin.

jeudi 20 novembre 2003

Tête de radio

Mardi soir j'ai regardé la télévision. Non-non, je ne suis pas encore lobotomisée par le système, rassurez-vous ! C'est un ami qui est responsable, il m'avait transmis l'info : concert de Radiohead sur Arte, pour l'émission Music2Night.

Et c'était Grand. Magique. Concert accoustique, avec seuls Tom Yorke et Jonny Greenwood sur scène - les trois autres compères sont au bar et se réjouissent de pouvoir enfin assister à un concert de Radiohead. Moi pareil, parce que j'ai encore jamais eu l'occasion de les voir en vrai...

Thom Yorke et Jonny se relaient à la guitare, basse, piano, et toutes les combinaisons sont géniales. Les sons électroniques sont admirablement transposés sur ces instruments, et la voix époustouflante du chanteur fait les transitions. La dernière fut Karmapolice. Ben oui, on a raté le dernier bus :)

Je vais militer pour qu'ils rétablissent l'émission dont c'était la dernière. Et puis, tant qu'à faire, ils pourraient diffuser un concert chaque soir. J'attends Björk !

Androgynes

J'aime, dans les changements de métro ou dans la rue, remarquer une silhouette dont je n'arrive pas à déterminer le sexe. Tenter de deviner par quelques indices : cheveux, démarche, hanches... et j'aime rester indécise. Dans ces cas-là j'essaie de marcher plus vite, pour arriver à la hauteur de la personne, en général le visage enlève les doutes. Mais souvent je ne les rejoins pas, et c'est très bien comme ça. Petits mystères amusants du quotidien...

mardi 18 novembre 2003

Ors éphémères

11/11/2003 Deux arbres en face de ma fenêtre. Jaune citron au début du week-end, et leur couleur vive éblouissait mes yeux neufs. Ces derniers jours, j'ai fermé les rideaux et allumé la lumière dès que l'extérieur s'assombrissait... j'ose enfin affronter le crépuscule. Je constate que les arbres sont maintenant jaune d'or, et le tapis somptueux qu'ils ont étalé à leurs pieds est d'un ocre apaisant. Je regarde leurs feuilles tomber au gré des souffles de vent, et cette chute semble sans fin. Comme mes larmes hier soir. Mais je sais bien qu'à un moment ils seront vides, tout comme moi, et s'endormiront dans un long hiver pour mieux rejaillir au printemps. En attendant, ils jettent leurs derniers feux, et l'envie me prend d'aller jouer avec eux, leur donner ma tendresse pour les garder du froid, comme mes mes amis l'ont fait avec moi. Je la sens qui rayonne en moi, douce veilleuse de mes nuits solitaires, promesse en attente, embryon d'une éclosion à venir. L'idée de m'étendre sur le lit douilletement préparé m'évoque soudain d'autres automnes. Mélancoliques, sauf le dernier, qui fut le premier que j'aie vraiment apprécié. D'autres amours, légères celles-là, mais non dérisoires. Le petit elfe pour qui je fus la première femme, sous des arbres aux couleurs de la Lorien, face au lac constellé d'étoiles. Eyal, et notre surréaliste ballade dans Paris prolongée toute la nuit, parlant anglais, laissant monter les frissons, jusqu'à ce que le matin ait pitié de notre désorientation et nous mène dans son lit, début d'une aventure aussi flamboyante et éphémère que la chute des feuilles. Connaissant la date de son avion de retour, nous nous sommes donnés complètement, intensément. Cela garde pour moi le fondant du café israëlien, l'odeur de la pluie, les échos de nos accents mêlés, la douceur de nos caresses, et la couleur dorée des feuilles. "Or", qui en hébreu veut dire "lumière" mais aussi "peau".

Il a su prendre ce que je lui offrais en acceptant mes mystères, ma fougue, et surtout en comprenant que je fuie lorsqu'il aurait fallu dire au revoir. M'appelant ton "papillon", pour mieux excuser mon envol. Merci Eyal, mes automnes sont plus beaux grâce à toi.

Humeur incomplète

Résumé des épisodes précédents dont vous avez raté la diffusion pour cause de, au choix : mauvaise réception de l'antenne, foudre tombée sur l'émetteur et l'ayant mis hors-circuit pendant un moment, ou même grève des intermittents, incendie dans les studios, maladie grave mais guérie de l'actrice principale. Rassurez-vous, en tous cas, ce n'était pas par manque d'inspiration du scénariste.

Alors, prenons par le commencement mais résumons... remarque ça permet de faire le point. C'est un nouveau départ, soyons positifs.

Pour ceux qui n'avaient pas compris, c'est Kobal que j'ai quitté->26. Puis le mardi suivant j'ai rompu avec Jonathan. Puis le mercredi j'ai annoncé à ma Lutine que je disparaissais un moment. Jeudi j'ai dit au revoir à Jonathan qui partait chez ses parents. Vendredi j'ai tenté de casser avec Lunar, qui m'a remis les idées en place : "Tu veux casser quoi ? Si tu veux plus qu'on fasse de sexe, m'en fous. Enfin... ça va me manquer, mais m'en fous. Si tu veux plus qu'on se voie pendant un moment, je disparais. Mais si tu veux plus me voir du tout, tu rêves."

Ensuite, j'ai profité du long week-end pour plonger au fond de moi. Ca faisait longtemps que je n'avais pas été célibataire. Bien sûr, puisque nous étions ensemble depuis plus de trois ans, avec Jonathan. J'ai profité des premiers jours de solitude pour faire ce dont j'avais envie, pour glandouiller aussi, pour prendre soin de moi enfin un peu. A partir du lundi, j'ai été obligée de remettre mon cerveau en marche, et ce fut douloureux. Parce que j'ai réalisé ce que j'avais fait. Parce que je l'ai ressenti en décalé. J'ai eu l'impression d'être déchirée, amputée sans anesthésie de cette partie de moi qu'était devenu Jonathan. Privée aussi de cette partie de lui que j'étais. J'ai douté d'être capable de respirer sans lui, j'ai eu mal qu'il ait si bien compris ma décision : pas parce qu'il s'en fout, mais parce qu'il est la personne au monde qui me comprenne le mieux. Culpabilité de le faire souffrir, aussi. Crises d'angoisse, pleurs impromptus. Se retrouver, se perdre et se retrouver encore. Musique constante, qui me rend mes mots et mes sentiments, qui me berce et me console. Même si c'est notre musique. Ou en raison de cela, puisque tout ce que nous avons vécu ensemble reste, bien sûr.

Et puis... survivre au mardi soir. Même lorsque les fenêtres deviennent si tentantes - il y a des enfants qui jouent en bas le matin. Juste laisser venir la douleur, croire que je ne suis pas assez forte. Me laisser ravager. Voir le monde sous un angle vide de sens, de sentiments, de raison de vivre. Mais faire confiance à ma force, à mon envie de vivre, et laisser Lunar reposer mes pieds sur Terre mercredi soir, tout doucement. En rendant aux petits bonheurs, aux petits gestes leur signification - leur douceur aussi. En me laissant aller au plaisir dans ses bras, en me faisant une cape de sa tendresse. Et depuis, me rattacher à la vie - doucement comme une convalescence. Mais ce soir, je dirais que je suis là de nouveau. "Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend" (Verlaine, Mon rêve familier, dans poèmes saturniens).

En vrac, les paroles de chansons qui m'ont aidée ce week-end :

"You've got such a pretty smile
It's a shame the things you hide behind it
Let 'em go
Give it up for a while
Let 'em free and we will both go find it"

(Jude, I know, in No one is really beautiful)

"Everybody cries and everybody hurts sometimes.
Sometimes everything is wrong."
(REM, Everybody Hurts, in Automatic For The People)

"I don't love anyone
You're not listening
You're playing with something
You're playing with yourself"

(Belle & Sebastian, I don't love anyone, in Tigermilk)

Et celle-là, qui m'a fait douter

"I'm not here
This isn't happening"

(Radiohead, How To Disappear Completely, in Kid A)

jeudi 13 novembre 2003

Je suis vivante

Me revoilà. Je vous raconterai ces derniers jours bientôt, ils réclament d'être exorcisés. Ou alors jamais, certaines choses meurent très bien {en silence}.

Me revoilà, mais je ne sais pas encore qui voilà. Alors soyez patients et tolérants avec moi.

Me revoilà, mais "Ne me secouez pas, je suis plein(e) de larmes" (Henri Calet). Bercez-moi, dorlotez-moi, calmez-moi, montrez-moi votre tendresse, s'il-vous-plaît.

Me revoilà, et j'ai besoin d'y rester. Alors sortez-moi, faites-moi rêver, faites-moi rire, faites-moi parler de tout ce que je me taisais à moi-même et qui a failli me faire imploser.

Me revoilà, j'espère que vous y êtes aussi. Besoin de bouger, de boire aussi, de danser peut-être.

Me revoilà. Je vous en prie, ne me laissez pas retourner là-bas, il fait trop froid et trop peur dans l'angoisse, et je ne supporterais pas de revoir tout de suite la vie sous cet angle aigu et tranchant où rien n'a plus de sens, à commencer par moi, mais sans vous oublier vous.

Me revoilà, amputée d'une partie de moi, coeur à vif et l'anesthésie est partie sans prévenir. Dites-moi que ça va passer, que vous êtes là, que tout s'arrange toujours, que la vie est belle, que je suis merveilleuse et capable de la vivre encore.

Me revoilà, le cerveau dans le brouillard, alors montrez-moi le soleil, ou dites-moi qu'il existe et arborez votre bronzage.

Je suis là, désir clignotant comme un message en morse crypté, alors laissez-lui le temps de se comprendre et de renaître, ou tentez de le passer sous courant continu, mais sans insister. Je ne saurais pas dire non, et j'ai peur de le tuer.

Je suis là, vacillant entre splendeur et horreur, et j'ai besoin de savoir que j'ai un filet. Au cas où.

Je suis là, j'espère qu'il faut rester.

vendredi 7 novembre 2003

Courrier

Moi j'aime bien les lettres. En recevoir (sauf les factures), et aussi en écrire... Chercher des jolies images, faire du découpage et du collage pour créer un papier personnalisé, choisir un (ou des) stylos, de couleur pour les choses gaies, à plume pour les choses importantes, doré pour les fêtes... S'assoir, grignoter le stylo en attendant que l'inspiration vienne. Commencer à écrire, sans s'arrêter, et sans corriger, contrairement aux mails, puisque ça ferait des grosses ratures. Alors, accepter de voir les phrases nous échapper, et oser mener ses pensées au bout. Finir par des mots tendres, joliment calligraphiés. Plier avec des formes bizarres, ou glisser des surprises (paillettes ça fait toujours hurler, mais aussi confettis, sable, fleurs séchées, photos à la rigueur...). Assortir l'enveloppe au papier. Frémir pendant quelques jours, en attendant que la personne la reçoive, puis trépigner d'impatience en attendant sa réponse...

Sucré-salé : du Martini et des larmes

Malgré le titre, j'ai passé moi aussi une bonne soirée à ParisCarnet. En arrivant j'ai croisé ma soeur sur le départ, lui ai souhaité un bon voyage en Italie. Puis ai tenté de repérer des têtes connues, bisouté Manu et TDD, Maïa, et enfin Lunar. Puis j'ai tenté de parler à des nouveaux gens, avec la technique habituelle : "t'es qui ?", ce qui vu mon manque de forme fut assez peu productif. M'enfin Mr Peer connaissait mon nom et a gardé son mytère, et Pierre Carion avait pensé à mes bonbons même si je suis arrivée trop tard pour les goûter... Je n'avais pas le courage d'aller parler à tant de nouveaux gens, ai salué de la tête ceux que j'avais vus à la dernière réunion, puis ai tranquillement admiré la robe de Maïa (ou plutôt Maïa dans sa robe trop longue), laissé Dek/ se moquer gentiment de moi, et enfin Nacara est arrivée, alors je suis allée me poser à une table avec elle et Loïc, ai parlé un peu avec Georges de son blog mort, et Lunar a rejoint notre table, et on a commencé à se saoûler méthodiquement grâce au soutien de Loïc, décidé à raconter le plus de bêtises possibles en une soirée, et ma foi, y arrivant assez bien. Morceau choisi :

Lunar : "Ha bon, parce que t'appelles ton sexe "limace" ?!?

Loïc : ben oui, c'est petit, mou...

Lunar : J'avais jamais pensé à ça, j'ai jamais donné de nom à mon sexe.

Loïc, catégorique : C'est parce que t'es pas romantique."

Ou plus tard, mais là j'ai pas tout suivi :

Loïc : "L'odeur de la salive n'a rien à voir avec son goût.

Lunar : Quand je sens ma salive, ça a l'odeur du savon."

Bien sûr, tout ça parce qu'il m'avait assuré que je le publierais pas. Donc une dernière (tardive, je vous rassure) : "Les sexes petit-bourgeois sont plus étroits".

J'ai malgré tout réussi à lui poser des questions sérieuses et à obtenir des réponses interessantes, je suis notamment heureuse d'avoir appris la définition du mot "égotisme", ça m'évitera de parler de "bon égoïme", une prochaine fois.

Mais la Smirnoff Ice dénoue les langues, et lorsqu'ils ont commencé à rigoler sur le thème des ruptures, mon mur s'est écroulé. Lunar m'a dit "fais-pas cette tête-là", j'ai tenté de me reprendre et finalement j'ai fui avec mon verre et mon tabac à une table libre pour pleurer, et la douce Nacara est venue recueillir mes larmes dans son cou. Et lorsqu'elle a réussi à me faire rire de nouveau nous sommes retournées avec les autres pour commenter l'attrait de la serveuse timide qui plaisait à Lu (ben oui, je raconte, parce qu'il le fera pas). Cette fois encore nous fûmes les derniers à quitter le Hall's Beer, et le serveur complice nous a indiqué qu'elle ne restait que jusqu'à samedi... et puis rentrage un peu titubant à pattes, couchés à 2h30, levée à 8 pour partir au boulot. Heureusement que je n'ai jamais la gueule de bois ! Et promis, la prochaine fois je tenterai d'être plus communicative.

jeudi 6 novembre 2003

Fêlures

Je me suis éparpillée. Attention, hein : j'étais heureuse. Ouverte à tous les vents, dans l'oeil du cyclone, semant mes rires et ma tendresse. M'abreuvant à celle des autres, m'en emplissant même, et découvrant tant de choses et de gens. Jamais posée, avec un emploi du temps rempli au moins une semaine à l'avance, tentant de vivre plusieurs vies en même temps - puisqu'elle est trop courte, autant la remplir. Ballotée au gré des humeurs et des envies des autres, tentant de leur faire du bien quand c'était possible, me sentant souvent inefficace car incapable de consacrer assez de temps à chacun. Assouvissant mes désirs, mes fantasmes, parfois avant même de les avoir vus naître. Renonçant à dormir, à manger, à penser parfois, parce que "nous avons toute la vie pour nous amuser, nous avons toute la mort pour nous reposer" (Moustaki, La philosophie). Et tout ça sans arriver trop tard au travail, hein. Réussissant même, la plupart du temps, à y être lavée, coiffée, habillée de propre. Ma maison dans mon sac bandoulière, prenant tous lieux comme pistes d'atterrissage d'urgence. Prenant même le temps de lire, dans le métro ou en attendant les gens. De suivre par internet la vie de ceux que je n'avais pas le temps de voir, en renonçant à la pause déjeuner. D'écrire même, parfois, après 18h (bien que je pratique beaucoup la technique des 10 textes en attente, en ce moment). Enfin bref, vivre à un rythme éffréné, sans prendre le temps de respirer, mettant à profit chaque instant et chaque rencontre. Si vous voulez essayer, c'est facile. Il suffit : de boire beaucoup de thé, de remplacer par du Martini quand vous êtes en bar (au moins trois fois par semaine) (avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de citron, le martini. C'est important les vitamines) ; de dormir chaque nuit dans un lit différent, avec des personnes désirables qui vous tiennent en éveil ; de prévoir deux réveils le matin ; de laisser des recharges aux endroits stratégiques (linge, brosse à cheveux) sans oublier la brosse à dents dans le sac ; de garder un chargeur de secours au bureau pour être toujours joignable et permettre aux gens de vous proposer encore d'autres soirées ; d'avoir un agenda très bien tenu, pour ne pas poser de lapin - très délicat, le lapin, quand on peut consacrer environ un soir par semaine à chacun ; de laver le linge dès que l'on pose un pied à la maison, et de penser à en reprendre ; de se faire prêter des livres, beaucoup, pour ne pas s'endormir dans le métro ; de trouver une bonne boulangerie pour se fournir en aliments rapidement consommables ; de mettre à profit le midi pour voir encore d'autres gens ; de tenir régulièrement le compte des heures passées avec chacun pour équilibrer ; de regarnir régulièrement son portefeuille en capotes ; de faire légèrement sentir à chef qu'il part en avance ce soir, pour qu'il vous laisse en paix si vous êtes en retard demain matin ; d'aller au cinéma à la première séance pour ne pas s'endormir au milieu ; de décaller l'heure de prise de la pilule à une heure où l'on ne dort jamais, vers minuit pour bien faire, et éduquer les gens à vous le rappeller. Et le sourire, toujours. On ne va quand même pas perdre des soirées précieuses à parler de ce qui va mal, soyons sérieux.

Je vous conseille d'essayer. A partir d'un moment, plus vous dépensez d'énergie, plus vous en avez. Lorsque vous n'en avez plus, tendez les nerfs : ils retiendront les fragments ensemble.

Et lorsque vous serez vides comme je le suis aujourd'hui, vous verrez venir la période de repos forcé, de glandouille improductive comme un mirage, c'est certain. Je coupe tout autour de moi pour réussir à m'en dépêtrer, je taille à vif, je fuis, oui, ces gens que j'aime et qui ne peuvent rien pour moi. J'ai envie de me retrouver seule avec moi-même, enfin, d'arrêter les machines et la musique étourdissante. Je ne sais plus qui je suis, j'ai mal qu'on m'aime ainsi, et pourtant je suis touchée que certains se soucient de moi. Ne pouvant m'empêcher de couler, ils me confient de la tendresse à emmener au fond - j'en fais des réserves, je sais comme il fait froid lorsqu'on est nu dans l'espace de notre âme, et comme il est dur de ressortir du gouffre de la douleur et de l'auto-apitoiement. Je vais aller au fond, tenter de retrouver mon essence, et repositionner autour ce qui doit l'être, faire le bilan de mes expériences récentes, en garder le meilleur comme toujours et laisser glisser ce qui fait mal, ce qui est fini, ce qui est devenu inutile. Renoncer aux colères refroidies, aux peurs découvertes, à la tristesse. Traverser une phase de mélancolie douce, sans doute - tant de souvenirs à emballer précieusement avant de les ranger au fond d'une boîte. Pleurer encore, et donner dans ces larmes ce que je n'ai pas su dire, pas osé faire. Puis libre de remords, de regrets, libre et forte de mon passé, envisager l'avenir et dénouer dans ses fils chatoyants la route qui me convient. Ensuite, me reformer dans ce but, réunir mon courage, ma force, mes désirs. Prendre le temps de souffler. Et enfin, revenir au monde, encore une fois - tant de naissances déjà, à chaque métamorphose. Je serai moi, rien de plus, la transcendance n'est pas pour cette fois - ni jamais, j'espère. Mais je serai entière, éveillée, prête à être émerveillée avec mes nouveaux yeux d'enfant. Prête à ressentir de nouveau les émotions, quite à en souffrir.

Pas exactement comme la chenille qui devient papillon, finalement peu va changer. Plutôt comme les insectes qui, toute leur vie, connaissent des mues successives, à chaque fois qu'il grandissent. Pareille à eux, je sens que ma vie me gêne aux entournures - alors je fais tout craquer, et je découvre ma nouvelle peau plus adaptée à ma forme actuelle. Voyez comme elles sont belles, les couleurs d'une peau toute neuve.

Si j'y arrive.

mercredi 5 novembre 2003

Alternative

"La Miroiterie". Le nom, seul, fait déjà rêver. Et le lieu... c'est un collage surréaliste grandeur nature. Un bric-à-brac merveilleux. Vivant. Coloré. Chaleureux. Pensé par et pour l'homme, contrairement à nos banlieues bétonnées. Un endroit où la convivialité reprends ses droits. Oh bien sûr, le ménage n'a pas l'air d'être la priorité des occupants du squatt, et bien sûr y vivre doit nécessiter quelques compromis avec l'intimité. Mais loin de l'aseptisation et de l'indifférence de la vie qu'on nous propose, il y a, en plein coeur de Paris, quelques personnes qui voient les choses autrement. Je ne ferai pas un post aussi fouillé que celui de [Lunar->http:lune.talath.net/~lunar/blog/] sur les [Tanneries->http:lune.talath.net/~lunar/blog/archives/000113.html#000113], pour la bonne raison que contrairement à lui je n'y ai passé que quelques instants -je vous livre juste mes impressions.

Déjà vendredi soir, lorsque nous y sommes allés avec [Kobal->http:www.kobal2.free.fr/] pour voir [Vaquette->http:www.vaquette.org/reveille_le_punk.php] (lien, deuxième édition -ceux qui n'auront pas découvert le bonhomme n'auront plus aucune excuse), j'avais été complètement sous le charme de cet endroit où les éclats de miroir qui parsèment certains murs éparpillent les reflets de ce fouillis agencé esthétiquement et joyeusement. Nous nous étions aventurés le long du mur pour en découvrir les surprises, mais le respect de la vie des habitants supposés nous avait retenus d'entreprendre une plus grande exploration.

Lundi soir, j'y suis retournée à tout hasard pour voir si le sac que j'avais oublié s'y trouvait encore. Devant la grande porte métallique, je n'ai pas eu le temps d'hésiter, car un homme en sortait, qui m'a invitée à entrer lorsque je lui eus exposé mon problème. Je passai devant une pièce d'où s'échappaient des voix joyeuses, et décidai de tenter tout d'abord ma chance dans la salle où l'[Indispensable->http://www.vaquette.org/reveille_le_punk.php] (ah oui, tiens, encore!) avait présenté son spectacle. Voyant de la lumière je frappai, puis me glissai face à la scène à demi démontée. Le diable rouge me reconnut et me signala que j'aurais pu lui envoyer un mail... je n'y avais même pas pensé (voyez, je ne suis pas une geek). Il m'entraîna vers une cuisine animée pour prendre des renseignements, puis dans une salle résonnant de conversations, où je serai les mains d'hommes interrompus au milieu d'une partie de cartes et souriants de ma timidité. Ils avaient l'air rudes, agguerris par la vie. Mais vivants, et ouverts. L'un d'eux partit me chercher mon sac, et je refermai doucement la porte sur leur complicité. Souhaitai bonne chance à Tristan-Edern pour son spectacle de Toulouse, le laissai retourner au rangement de ses incontournables accessoires. Restai debout sous les arbres, et tendis l'oreille vers un tam-tam qui battait non loin. Puis l'homme (je crois qu'il s'appellait Dominique) revint avec mon sac, et je pris le temps de lui dire à quel point l'endroit m'avait émue. Il écarta mes énièmes excuses d'un mot, et me dit à bientôt. Je quittai cet autre monde, à regret mais souriante. Je prendrai son salut comme une invitation, si je l'ose...

lundi 3 novembre 2003

J'ai oublié de nager...

Départ aigre-doux, comme notre relation. Ouvrir les yeux, savoir que cette fois je n'arriverai plus à me rendormir. Poser mes lèvres sur son épaule. Glisser doucement hors de la couette et la reborder autour de lui. Me faufiler dans le salle de bains, fermer la porte avant d'allumer la lumière. Tenter de démêler avec mes doigts la tignasse que forment mes cheveux après deux jours au lit. Faire couler un bain et me laisser couler dans l'eau brûlante, lui abandonnant tristesse et douleur. Seule la résolution compte ce matin. M'en extraire, m'essuyer, préparer un thé. Récupérer, une fois de plus -la dernière- mes vêtements éparpillés, les enfiler dans la lumière grise d'un jour de novembre. Rouler une cigarette, le regarder dormir. Et enfin, décider qu'il est temps : je ne voulais pas partir en courant, mais il ne sert à rien de traîner. Me poser au bord du lit et me pencher pour l'embrasser. Il est somnolent encore, doux comme toujours, et je respire son odeur en espérant qu'elle ne se volatilisera pas tout de suite, que je pourrai en emporter les traces avec moi. Me relever, lui sourire, attraper mon manteau, et mon sac lâché dans l'entrée la veille. Penser que c'est très bien ainsi, en silence. Ouvrir la porte, et entendre, à peine un murmure -je pourrais choisir de l'ignorer- il souffle mon nom. Revenir près de lui, assis maintenant. Recevoir ses baisers tendres, toujours. "Aurevoir, et bon courage pour la suite", dit-il tout bas. Je prends quelques secondes pour l'envisager, la suite, je hoche la tête parce que, oui, ce sera dur. "Merci. Bon courage à toi". S'il essaye comme il l'a dit, et encore plus s'il y arrive, il en aura besoin autant que moi. Un sourire nous effleure, les yeux restent tristes mais pas désespérés, nous savons notre tendresse. Et cette fois je pars sans me retourner, et l'ascenseur est éclairé trop vivement, et la porte de l'immeuble résiste à l'ouverture. Je sors sous la pluie -je n'ai plus de larmes à verser mais le ciel compense. C'est mieux ainsi -plus tendre aussi.

La veille. Commencer à parler, à cause d'un rien. Et dire, sans barrières, "toute vérité est bonne à dire", m'assure-t-il. Même quand elle fait mal à dire, mal à entendre? Pourquoi pas. Et les larmes qui viennent, et ses bras qui me retiennent pour m'obliger à les laisser sortir. Je ne suis plus qu'une loque sanglotante, je suis un doublage de film de guerre, je m'efforce de retenir mes gémissements mais les sanglots me secouent comme le hoquet, mon corps tressaute comme criblé de balles. Il amortit les chocs contre sa poitrine.

Plus tard, lucide comme on ne l'est qu'avec la douleur, vivante de nouveau grâce à elle, je sais ce que je dois faire. Je m'habille, récupère mes affaires. Me hâte d'enfiler mon manteau en sentant les larmes monter. Il me rattrappe à la porte, ne veut pas me laisser partir dans cet état au milieu de la nuit. Abandonnant ma volonté à la sienne, je le suis vers le lit. Résiste, tant que je peux. Tente de partir, de le convaincre de me lâcher la main, en une lutte bien plus morale que physique, et qui me semble durer des heures. Vais jusqu'à lui reprocher de ne pas respecter mon choix -de m'ôter les restes de ma dignité. Et il dit juste ce qu'il faut pour que je reste, puisque lâchement j'en ai envie aussi. Bien sûr, j'aurais pu partir. Mais je ne veux pas être violente ou crier. Ce cauchemar éveillé n'est déjà pas pas un rôle pour moi, je ne suis pas moi dans cette situation au-dela de mon contrôle. Et pourtant, même en ces instants je ne regrette pas d'être vivante. Je n'ai pas peur de souffrir, et si ces moments ne me ressemblent pas, c'est le résultat d'une trop longue période zombie, et c'est vrai, enfin.

Je lui foutrais volontiers des baffes lorsque j'enlève mon manteau et qu'il me demande "pourquoi tu restes, finalement?". Parce que je t'ai laissé me toucher, connard. Parce que je vis. "Parce que je ne veux pas être grande et belle", aussi. Tiens, tu seras content, je le mets, le lien vers [Vaquette->http://www.vaquette.org/reveille_le_punk.php]. Je ne pense pas comme lui, mais je respecte qu'il soit vrai -si tu veux t'inspirer de lui, commence par prendre ça.

Et ensuite, couchés, partageant notre tendresse puisque c'est ce qui nous reste, tu me dis que tu comprends enfin pourquoi {elle} t'a laissé. Je t'aurai apporté quelque chose, même si ce n'est pas ce que je pensais. M'endormir dans tes bras, puisque je fais confiance même lorsque ça fait mal.

En partant finalement, j'étais invulnérable. Vide de larmes, ivre de pluie, en harmonie avec le monde d'une manière sombre que je n'avais jamais connue. Capable de le détruire par ma volonté et ne désirant pas le faire. Il n'y avait nul grand pont sur mon chemin, mais je n'aurais sans doute pas voulu sauter de toutes façons. Ma vie pourrait se finir là, l'impression d'avoir été au bout de trop de choses. Elle recommence. {Avec moi dedans.}

Retrouver le sens de la vie par les petites choses, comme toujours. Des amis, parler doucement, des gens attentionnés qui aussitôt voient l'écorchure, qui ne posent pas trop de questions, juste de quoi me laisser l'occasion de dire si je le veux, et qui, tout naturellement, me ménagent toute la soirée. Des crêpes, plein de confitures dont une verte radioactive, des musiques nouvelles, un concert de Björk qu'ils me laissent jusqu'à la fin même s'ils détestent, "mais si, chante!". Un film qu'on trouve tous nul ({Vanilla Sky}). Et une brosse à cheveux pour démêler mes idées en même temps que mes noeuds. Des sourires.

L'amour c'est aussi ça. Pas toujours grandiose, grandiloquent, impressionnant, transcendant. Juste un don, gratuit, n'espérant ni devenir surhomme, ni avoir cet effet sur l'autre. L'aider à grandir peu à peu, peut-être. Lui apporter ce qu'on aime, et recevoir ses passions. Et non, ce n'est pas mesquin de vouloir être heureux. On peut bouger les gens avec de l'amour, au moins autant qu'avec des coups de pied au cul. C'est juste plus dur de donner de l'amour.

Ajout : ai-je le droit de publier ces mots trop intimes? Tu comprendras j'espère que je ne peux les laisser m'étouffer.

Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.